Heal the (fashion) World... but heal yourself before !
Je n'en peux plus d'entendre cet anti-mantra que le monde entier connaît maintenant par cœur :
" l'industrie textile est la plus polluante après le pétrole... catastrophe environnementale et humaine... la mode émet plus de gaz à effet de serre que les transports aériens et maritimes, elle est également la 3ème consommatrice d'eau dans le monde...".
Je n'en peux plus car nous en connaissons les causes et savons comment agir pour encourager une meilleure éthique dans l'industrie de la mode.
Mais aucune envie de renoncer à nos 30kg chacun de textiles par an : comment survivrions-nous dans la jungle du paraître en les réduisant ? Et comme l'opulence est le symbole ultime du Cool, prenons bien soin de ne pas porter tous ces vêtements... l'idée de stocker des tas d'articles flambants neufs dans le dressing est réconfortante, un shoot divin pour l'orgueil... un accélérateur réjouissant des clivages sociaux !
Pourquoi on ne change pas ça ?
Peut-être par peur.
Si nous sommes la cause des inégalités et du coût de la mode sur l'environnement, aucune raison de faire évoluer les choses !
Enfin, le mot " peur " ne convient pas. Peut-être est-ce de l'anxiété, quand on aborde les sujets de modes plus éthiques, et un sentiment d'impuissance, de colère face à l'inaction...beaucoup d'émotions sont à l'œuvre.
Mais, nous devons aller au-delà, dépasser cela, être résiliants et faire le deuil d'un monde et d'une économie révolus, devenir lucides, responsables... laisser place à un renouveau de pensée, de culture, de vision.
Être asservi au plaisir semble un signe de privilège, mais renvoie à l'étrange peur du vide, de n'être rien de spécial.
L'opulence n'est plus synonyme de " pointu " et cultivé.
Au contraire, les références du cool ont changé : consommer aveuglément une mode muette et sans âme, des vêtements qui ne racontent rien, pas d'histoire de marque, ni de savoir-faire à valoriser, un processus créatif fondé sur la réplique, une mode creuse et stérile basée l'exploitation... est devenu ringard !
Ce qu'il faut donc commencer par changer pour sauver le monde, c'est la culture, le mode de pensée.
C'est pour ces raisons que le partage de connaissance est fondamental.
Bienvenu d''ailleurs dans le 21ème siècle, l'ère est au collectif, au collaboratif, au partage des biens, des expériences, des idées... et non plus à l'élitisme.
Vivienne Westwood (ma tenue), la créatrice la plus engagée de l'histoire de la mode, l'une des plus en marge des conventions nous gratifie de charte de la Révolution Climatique quand d'autres s'en tiennent aux traditionnelles notes de collection :
La lutte n'est plus entre classes, ni entre riches et pauvres, mais entre les idiots et les éco-conscients.
Ses créations sont subversives par leur signification activiste, elles conduisent à porter un regard élargi sur notre rapport à la mode, sa chaine de production aussi bien que notre chaine de valeur, en tant que consommateurs.
Une partie de ma philosophie est la suivante:
si nous avions la culture au lieu de la consommation, nous ne serions pas dans ce gâchis environnemental, car nous aurions une philosophie différente; cela vient du fait que je suis un taoïste et une grande fan d'art chinois.
(...) nous nous battons maintenant pour sauver le monde. Et les punks aiment se battre !
Pour celles et ceux qui douteraient encore de leurs pouvoirs de changer les choses, de la capacité de la mode à se renouveler, de belles initiatives et avancées reflètent un niveau de conscience qu'il n'y avait pas il y a encore 5 ans.
En France, le gouvernement d'Edouard Philippe a mis la lutte contre le gaspillage vestimentaire à son agenda 2019.
La sociologue Majdouline Sbai, auteure de "Une mode éthique est-elle possible? ", travaille sur projet expérimental de nouvelle boutique avec OXFAM France basé sur les nouvelles aspirations et usages des consommateurs et la collecte de textile de seconde main.
Le succès de l'Upcycling aura irrigué toute l'année 2018 de projets aussi ingénieux qu'esthétiques.
La créatrice Gaëlle Constantini présentait il y a quelques mois ses belles robes conçues en recyclant d'anciens rideaux du Sénat.
Marine Serre, Lauréate 2017 du prix LVMH, apporte fraîcheur dans l'industrie avec son approche exclusivement fondée sur l'upcycling : pour elle un designer doit produire autrement aujourd'hui, le gaspillage est un fléau qu'elle combat en réutilisant ce qui existe déjà.
Anaïs Dautais-Warmel, green heroine de la slow fashion, n'a cessé de développer projets et collaborations avec sa marque Les Récupérables.
Maroussia Rebeq, pionnière du no-gender et de l'upcycling, concevait déjà, à l'époque où les termes n'existaient pas, des collections faites de matériaux recyclés pour son label Andrea Crews, créé il y a 16 ans. Le vêtement est pour elle un chantre de l'activisme social et solidaire.
Des lieux collaboratifs de génie voient le jour tels que le Consulat de la Gaîté (où a été réalisé ce shooting), deuxième édition du Consulat ouvert deux ans plus tôt rue Ballu à Paris. Ce lieu éphémère fut pendant trois mois la veine hystérique de l'art et du divertissement, voués à toucher plus intimement sur les questions environnementales, sociales et solidaires. Ce centre névralgique de la fête et de l'activisme a fermé ses portes le 31 octobre dernier... mais n'a pas dit son dernier mot, selon une source sûre.
... la liste est longue et encourageante.
" War is over if you want it " Faisons de 2019 une année de solutions mémorable !Photos : Jeff Elstone
Look et bijoux : Vivienne Westwood, Parts of 4 (fabrication artisanale à partir de matériaux sourcés de façon éthique), Pierre Hardy (Made in Italy)
Merci au Consulat de la Gaîté <3