d'Amélie Cordonnier
Roman - 150 pages
Editions Flammarion - août 2018
Elle a longtemps encaissé, supporté une vie auprès d'Aurélien et ses accès de violence, d'insultes et de rage. Ensemble, ils ont eu un enfant, puis un deuxième. Dépression, ça n'allait plus, ils se sont séparés. Pendant des années, elle n'a plus subi ses torrents de haine. Elle ne les a jamais oubliés, elle a tout noté d'ailleurs. Mais un matin de septembre, voilà que c'est revenu. Voilà qu'à nouveau, devant leurs enfants, il a lancé une nouvelle phrase toute en poésie : "Ferme ta gueule une bonne fois pour toutes, connasse, si tu veux pas que je la réduise en miettes." Des mots, ce ne sont que des mots, mais la plaie est réouverte, la phrase bondit, cogne, s'emmêle dans son cerveau. La digestion s'annonce difficile. Pour son quarantième anniversaire le 3 janvier, elle se devra de trancher : supporter ou se libérer, rester ou partir. C'est un beau roman, mais ce n'est pas une belle histoire. Il est question de violence conjugale, de harcèlement moral, de dégradation quotidienne. Et de mots. Ils ont leur importance pour l'auteure, pour le personnage féminin aussi. Un moyen de survie, une tentative de nommer l'innommable, une preuve de ce qui a été. Entre souvenirs et présent, le roman chemine en empruntant souvent les pensées torturées, les dilemmes, les ressentis non dits qui travaillent à chaque minute notre victime. Extrait :"Dans le bus ou le métro, à la médiathèque ou au parc, pendant que Vadim tape dans son ballon de foot avec les copains et que Romane fait le cochon pendu ou joue à la petite marchande sous le toboggan, tu égrènes ses mots partout. Des pages et des pages de notes. Tu as noirci des centaines de lignes de ses mots à lui. Pour garder une trace, tenter de les désamorcer, avec le pathétique espoir qu’ils aillent s’incruster ailleurs qu’en toi." A partir de la seconde moitié du roman, le récit prend des airs de suspense avec cette décision qui sera l'apogée, le pont de basculement pour une renaissance, une prise de pouvoir. Un suspense qui durera jusqu'à la dernière ligne.Trancher est un livre cinglant, qui mêle l'insupportable au raffinement, l'inacceptable, la dévalorisation de soi, au quotidien. Un premier roman réussi, un livre qui résonne dans l'écho de #MeToo, avec en bonus, La boxeuse amoureuse d'Arthur H... L'avis de Nicole Grundlinger - Mots pour motsL'avis de La Rousse Bouquine - Blog Littéraire