Nous voici saisis par l'élégance des mots. Telle est la tenace impression qui se
dégage après la lecture du Chant des marées de Watson Charles. Un recueil de poésie d'une rare beauté, où vous êtes, tout de suite, emporté par des vagues polyphoniques, hardies et ténébreuses. Néanmoins, tout n'est pas envol ici ; tout n'est pas désincarné ici.
Il y a bien des choses du réel, comme Haïti, que le poète, lui-même haïtien, évoque avec des accents tantôt mélancoliques, tantôt dramatiques. Car l'une des singularités de ce territoire conquérant et fier est d'être régulièrement frappé par des éléments. Des épreuves de toutes sortes.
Pourtant, Haïti n'a jamais quitté le champ de la beauté. Une beauté habitée par le spleen, la mélancolie : Je ne verrai plus mon pays/Tant que la nuit ne sera pas prostituée/Ma voix contre tout appel/Et des chemins aux colliers de joie/Ma voix chant de mer/Comme un émerveillement à la tombée du soir/La mer des Caraïbes est en moi/ Dans l'aria des exilés, on entend, de nouveau, cette rengaine, cette même nostalgie, pour la terre haïtienne : J'ai effleuré toutes les portes de l'exil/Comme si nous n'avions connu que le silence/Et les voix qui se mêlent à nos voix/Aux chants des oiseaux/Mais je viens vers toi avec des mots qui ne savent pas nos souffrances/
Le texte poétique de Charles Watson fait également retentir la voix d'Elise, celle dont la chevelure " imprègne " l'Aimé " d'une odeur de verveine " . Elise est donc aimée par l'Aimé. Lequel, malgré cette griserie amoureuse, n'oublie guère l'effroyable condition des damnés : " Nous sommes des fils que la terre a oubliés. "
Guillaume Camara