Pendant ces fêtes, Noël, Jour de l'An, Épiphanie, la mémoire de mes proches défunts m'accompagne d'autant plus. Je remets donc en ligne ce texte dans lequel je les évoque autour de l'ancien square de la place de la gare à Oyonnax, lui aussi disparu mais intact dans un album photo d'archives familiales tiré en un seul exemplaire et bien sûr dans mon souvenir.
Cette photo du vieux square aux arbres malingres et aux bancs vermoulus si tu pouvais
Ah oui l’ancien square détruit pour laisser place à la gare routière
Si tu pouvais sauter dans cette photo de 1973 comme Mary Poppins (Julie Andrews) sautait à pieds joints dans les tableaux dessinés aux craies de couleur par Bert (Dick Van Dyke) sur le trottoir
Tu te retrouverais dans le monde de 1973 sous les lampadaires du square maigrichon entre la lune et la pendule de la gare et il y aurait tout près le Picasso bicolore rouge et crème de la voie ferrée qui ferait les gros yeux il y aurait
Personne ne serait mort il y aurait ce prodige les tiens tous vivants sous les toits de la petite ville chez eux aux balcons de leurs appartements et de leurs maisons derrière les haies de buis de leurs jardins
Chez eux tout près du square une arrière-grand-mère (Clotilde) deux grands-mères (Yvonne et Marie-Rose) un grand-père (Charles) un père (Jean) une mère (Jeannine) une marraine (Geneviève) gamin tu disais ma reine et tu attendais pendant des heures de la voir descendre de l’autorail Picasso traverser la voie et ouvrir le portillon du jardin ils seraient tous là autour du square
Une dame encore inconnue d’eux (Gisèle la mère de ta future épouse) calerait son vélo contre un banc avant d’aller rejoindre son mari (Francesco)
Dans l’ordre cosmique du square dans son monde lisible les tiens
Planètes dans ton ciel étoiles dans ta nuit comme dans les nuits de 1973 où cillait l’ampoule du lampadaire au milieu des branches
Le square jadis détruit pour laisser place à la gare routière existe pourtant plus aujourd’hui que la gare routière c’est normal
Ce qui n’est pas normal c’est la gare routière où attendent tous ces gens qui ont des têtes à ne pas avoir envie d’aller où les bus les emmènent
À coup sûr le diable s’en est mêlé ou alors qui et pourquoi te demandes-tu dans l’ombre des églises en regardant trembler la flamme des cierges
(Extrait du poème Paysage / Évasion qui constitue l'une des quatre sections de mon recueil Poèmes du bois de chauffage, © éditions germes de barbarie). Pour Oyonnax et sa région, ce livre est en vente à la librairie Mille Feuilles rue Anatole France, Oyonnax.