Sylvia Plath – Les années

Par Stéphane Chabrières @schabrieres

Elles entrent comme des animaux venus de l’espace
Cosmique du houx aux feuilles épineuses
Qui ne sont pas les pensées du yogi en moi
Mais du vert et de l’obscur si purs
Qu’elles gèlent et se figent.

Ô Dieu, je ne suis pas comme toi
Dans le vide de ta nuit
Où se collent les étoiles, stupides confettis.
L’éternité m’ennuie,
Je n’en ai jamais voulu.

Ce que j’aime de toute mon âme c’est
Le piston en action –
À en mourir.
Et les sabots des chevaux,
Leur écume sans pitié.

Et toi, grande Stase –
Qu’y a-t-il de si grand dans tout ça !
Est-ce un tigre cette année, ce qui rugit à la porte ?
C’est un Christus,
L’atroce

Mors-de-dieu en lui
Qui se languit de voler, d’en finir ?
Les baies sanglantes sont elles-mêmes, parfaitement immobiles.

Les sabots n’attendent pas,
Au lointain bleu les pistons sifflent.

*

Years

They enter as animals from the outer
Space of holly where spikes
Are not the thoughts I turn on, like a Yogi,
But greenness, darkness so pure
They freeze and are.

0 God, I am not like you
In your vacuous black,
Stars stuck all over, bright stupid confetti.
Eternity bores me,
1 never wanted it.

What I love is
The piston in motion
My soul dies before it.
And the hooves of the horses,
Their merciless churn.

And you, great Stasis
What is so great in that!
Is it a tiger this year, this roar at the door ?
Is it a Christus,
The awful

God-bit in him
Dying to fly and be done with it ?
The blood berries are themselves, they are very still.

The hooves will not have it,
In blue distance the pistons hiss.

16 November 1962

***

Sylvia Plath (1932-1963)The Collected Poems (Harper Collins, 1992) – Ariel (Gallimard, 2009) – Traduit de l’anglais (États-Unis) par Valérie Rouzeau.