Plus c’est gros, plus le romancier s’en amuse. La taille du sexe grâce auquel Sergueï Mandelbaum a procuré un orgasme à Anna Maria Pepperoni, fille d’un parrain de la mafia américaine, est l’objet de toutes les supputations. Toujours est-il qu’il faut faire sortir d’URSS l’amant et futur père pour célébrer le mariage. S. K. Lopp s’en charge, Kebab lui succède dans une folie comparable, pas très loin de celle qui agite souvent San-Antonio.
Son éditeur, Le Tripode, annonce la mort d'un écrivain rare, devenu célèbre en France et en Allemagne, son pays d'origine, sur le tard, après s'être fait connaître aux Etats-Unis. Né en 1926, déporté dans un ghetto ukrainien avec sa famille pendant la Seconde Guerre mondiale, Edgar Hilsenrath a publié son premier ouvrage, Nuit, aux Etats-Unis en 1966. Le Nazi et le barbier, puis Orgasme à Moscou suivirent, ainsi que Le conte de la dernière pensée, Les aventures de Ruben Jablonski et, en 2006, Terminus Berlin (à paraître en février au Tripode). En 2010, j'avais été sidéré en découvrant Le Nazi et le barbier...
Le destin d’un créateur politiquement très incorrect vaut au
roman qu’Edgar Hilsenrath écrivit il y a quarante ans, Le nazi et le barbier, de nous arriver précédé d’une aventure
éditoriale peu commune. L’auteur, survivant d’un ghetto en Ukraine, a commencé
à écrire après la guerre mais son premier roman, Nacht, n’a connu qu’une brève existence dans les librairies
allemandes. En revanche, l’éditeur américain qui l’avait mis à son catalogue en
1966 a demandé un autre livre à Hilsenrath. Celui-ci rédige alors, en allemand,
Der Nazi und der Friseur, dont la
traduction sort aux Etats-Unis en 1971. Et en France trois ans plus tard –
mais, semble-t-il, dans une version incomplète. En Allemagne, une soixantaine
d’éditeurs le refusent. Un des traducteurs résume les raisons du blocage :
« Pas comme ça, Monsieur Hilsenrath,
pas comme ça ! Ce n’est pas comme ça qu’on doit parler de
l’Holocauste ! » On ne rit pas avec ce sujet. Surtout si on est
juif…
Heureusement, un livre puissant finit toujours par trouver
ses lecteurs. Après bien des années, le talent d’Edgar Hilsenrath reconnu
jusque dans son pays – depuis la fin des années 80, il est couvert de prix
littéraires –, voici une traduction intégrale qui secoue par l’humour dont elle
déborde.
Evacuons tout de suite la barrière entre bien-pensant et
mal-pensant. Entre bon et mauvais goût. Le romancier ne s’en soucie pas,
pourquoi devrions-nous l’édifier dans des pages où elle ne se trouve pas ?
La vie de Max Schulz, d’origine aryenne pure souche quel que soit son père
parmi cinq possibilités, devenu meurtrier de masse avant de prendre l’identité
d’un Juif ayant échappé à l’Holocauste, relève d’une amoralité tranquille. Rien
ne vaut la survie. Et celle-ci justifie tout, y compris les pires horreurs.
L’horreur commence tôt pour le petit Max. Battu et violé par
son beau-père, hanté par les coups de bâtons et les sévices en tous genres, il
ne trouve la paix que dans la famille d’Itzig Finkelstein. Son ami a le même
âge que lui mais il est juif et le salon de coiffure de son père est très
fréquenté, au contraire de celui que tient le beau-père de Max.
Au physique, tout oppose Max et Itzig. Le premier est une
caricature de Juif. Le second, d’un Aryen. Les apparences trompeuses n’empêchent
pas chacun de suivre son destin. Max, d’être fasciné par un discours d’Hitler qui
constitue un grand moment du roman. Itzig, d’être rejeté avec sa famille et
d’être déporté vers les camps de la mort au moment où Max, qui a revêtu
l’uniforme SS, est devenu un assassin en série.
Comment Max, quand la guerre s’achève, échappe à la mort
pour tomber entre les mains d’une vieille folle. Comment il devient, en
compagnie d’une comtesse grande et blonde, un gros bonnet du marché noir.
Comment il décide de se faire passer pour un Juif rescapé, de se faire tatouer
un numéro sur le poignet et d’émigrer en Palestine. Comment finit cette
histoire. Autant d’épisodes qu’il restera à découvrir en lisant le roman
d’Edgar Hilsenrath.
C’est une expérience inhabituelle. Elle oblige à se tenir
tout au bord de la folie, à laisser débouler tous les excès, à envisager
l’impensable. Un impensable qui a bien eu lieu et dont l’écrivain nous fournit
une version inédite. Avec les trouvailles d’une écriture où le grave et le
grotesque s’équilibrent.
Et quelques mots d'Orgasme à Moscou:
Plus c’est gros, plus le romancier s’en amuse. La taille du sexe grâce auquel Sergueï Mandelbaum a procuré un orgasme à Anna Maria Pepperoni, fille d’un parrain de la mafia américaine, est l’objet de toutes les supputations. Toujours est-il qu’il faut faire sortir d’URSS l’amant et futur père pour célébrer le mariage. S. K. Lopp s’en charge, Kebab lui succède dans une folie comparable, pas très loin de celle qui agite souvent San-Antonio.
Plus c’est gros, plus le romancier s’en amuse. La taille du sexe grâce auquel Sergueï Mandelbaum a procuré un orgasme à Anna Maria Pepperoni, fille d’un parrain de la mafia américaine, est l’objet de toutes les supputations. Toujours est-il qu’il faut faire sortir d’URSS l’amant et futur père pour célébrer le mariage. S. K. Lopp s’en charge, Kebab lui succède dans une folie comparable, pas très loin de celle qui agite souvent San-Antonio.