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Rugby: dans les coulisses d’un car régie

Publié le 30 décembre 2018 par Podcastjournal @Podcast_Journal
AGENDA: proposition et recherche d'évènements J’ai eu l’a chance de pénétrer dans les coulisses d’un car régie, pour la captation du match ASM/Dragons Newport, le 15 décembre 2018, au stade Marcel Michelin de Clermont-Ferrand…

Sur une manifestation de ce type, une trentaine de personnes sont présentes: des salariés de la chaîne et du prestataire technique (celui qui met à disposition le camion et une partie du personnel), sous l’œil vigilant du chargé de production, qui coordonne l’ensemble.

A l’intérieur, aucune fenêtre, pour éviter les reflets. Il fait tout noir, et il y a des écrans partout, avec des images différentes sur chacun, des voix qui sortent d’on ne sait trop où, des gens qui parlent dans des casques-micros on ne sait trop à qui, tout cela dans un brouhaha d’ensemble qui paraît pourtant savamment orchestré et surtout parfaitement fonctionner.

Plusieurs professions sont représentées: les ingénieurs du son; le truquiste, qui assiste le réalisateur, fait les incrustations d’images et gère les effets spéciaux; l’opérateur synthétiseur, qui "habille" l’image, insère les tableaux, les commentaires...; les opérateurs LSM (pour "Live Slow Motion"), en charge des ralentis; des assistants vidéo, qui gèrent notamment toute la dimension "physique" de l’image (en particulier la couleur) ; un opérateur satellite, qui veille à l’échange des signaux; la script, et bien sûr, le réalisateur, figure clé du dispositif, qui siège symboliquement au centre de la console. Hors équipe, mais hébergé pourtant dans le car, il faut mentionner aussi l’arbitre vidéo, qui bénéficie d’un poste personnel, un peu à l’écart, et qui a toute latitude pour demander à revoir les actions sur lesquelles il peut y avoir litige.

Ce jour-là, huit caméras (dont deux mobiles) étaient disposées autour du stade, dans les vestiaires, les gradins et les tribunes, pour capter l’intégralité du match et de ses ambiances, et permettre aussi une présentation en amont et un débriefing en aval par les journalistes. Cette captation sera également retransmise en direct aux télés étrangères acheteuses du programme.

Avant la prise d’antenne, le chargé de production gère les derniers détails avec la régie centrale à Paris. Le match que nous allons voir fait l’objet, avec d’autres matchs qui ont lieu en même temps, d’une présentation commune en plateau au sein des studios parisiens, que nous pouvons suivre sur nos écrans. Chaque manifestation "décroche" ensuite sur l’une des chaînes du groupe, et reprend la main sur son programme.

Tout au long de la diffusion, la script a un rôle clé de gardienne du temps. C’est elle qui assure le déroulé de la conduite du programme, calculé à la seconde près. On l’entend d’ailleurs souvent faire des décomptes, du genre "lancement dans 5-4-3-2-1"… Le réalisateur, lui, est un véritable homme-orchestre, une sorte d’araignée à 1.000 pattes, dont les mains courent sur des consoles aux multiples boutons, tandis qu’il reste en échange audio constant avec les cameramen des bords de terrain. Chaque caméra filme et est diffusée en continu sur les écrans de contrôle. Le réalisateur a la main sur le "master", qui est le reflet de ce qui va être effectivement retransmis à l’antenne. Comme un peintre avec ses couleurs ou un cuisinier avec ses épices, il "pioche" sans arrêt d’une caméra à l’autre: 10 secondes sur la numéro 5, 30 secondes sur la numéro 2, 15 secondes sur la 3, etc. Il prévient souvent les cameramen, qu’il va utiliser leur image ("La 4, je viens vers toi!"), et leur demande parfois de revoir leur angle, en zoomant ou au contraire en faisant un plan plus large, en fonction de ce dont il a besoin pour articuler sa trame narrative. A la différence de la réalisation de fiction, très écrite et anticipée, le réalisateur sportif doit composer en permanence avec un réel qu’il ne connaît pas à l’avance, et dont il fait lui-même le montage en direct.

Chaque réalisateur a son style, sa patte visuelle, mais aussi sa façon d’interagir avec son équipe. Il est pour beaucoup dans l’ambiance qui sera impulsée dans le car. D’un point de vue sociologique, cette façon de travailler en immersion dans un espace confiné est intéressante à plusieurs niveaux: toute proportion gardée, il y a quelque chose qui permet de comprendre un peu ce qui doit se vivre dans un sous-marin. Le fait d’être dans le noir, coupé du reste du monde, dans un espace restreint (même si, ici, les pauses cigarettes ou un café au catering sont toujours possibles).

L’autre point intéressant en termes de dynamique de groupe, c’est que les équipes sont à géométries et à compositions variables, "en mode projet": elles sont faites pour l’évènement, de techniciens locaux embauchés sur place par le prestataire technique et de personnels de la chaîne ou employés par la chaîne, qui viennent de Paris ou d’ailleurs. Certains se connaissent et ont l’habitude de travailler ensemble, mais ce n’est pas le cas pour tous. Il faut donc avoir la souplesse, l’adaptabilité et l’agilité d’esprit pour savoir faire équipe à chaque fois et rapidement avec des gens et des façons de travailler que l’on ne connaît pas forcément.

De façon générale, on ressent une certaine décontraction dans les relations, un climat de travail plutôt détendu, mais qui va de pair avec une hyper précision (des gestes, du timing…) et une très grande concentration sur la mission. La dimension du direct est évidemment un élément important à prendre en compte à cet égard, qui génère une forme de stress positif dû à l’extrême précision du chronomètre et à l’absence de filet de sécurité par rapport à un différé. Lorsque l’on y réfléchit bien, à part l’aérien et l’aérospatial, peu de secteurs sont aussi précis dans leur rapport au temps. Comparé à d’autres contextes de travail, nous sommes donc sur un exercice qui dure relativement peu, ramassé dans la durée, mais qui requiert toute l’attention au moment M… Un peu comme si la compétition sportive se jouait aussi à sa façon en régie, finalement...

Aujourd'hui 9e jour du signe astrologique du Capricorne. Selon le dicton, "Saint Forannan souvent amène les froids les plus grands". Sont nés notamment ce jour: l'inventeur Asa Griggs Candler, l'écrivain Rudyard Kipling, le compositeur Dmitri Kabalevski, l'acteur Robert Hossein, la chanteuse Patti Smith, l'actrice Kristin Kreuk. Pas de journée mondiale. Aux Philippines jour férié. En France bonne fête aux Roger et Timon!

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