Tom (Thomasin McKenzie) a 15 ans. Elle habite clandestinement avec son père (Ben Foster) dans la forêt qui borde Portland, Oregon. Limitant au maximum leurs contacts avec le monde moderne, ils forment une famille atypique et fusionnelle. Expulsés soudainement de leur refuge, les deux solitaires se voient offrir un toit, une scolarité et un travail. Alors que son père éprouve des difficultés à s’adapter, Tom découvre avec curiosité cette nouvelle vie. Le temps est-il venu pour elle de choisir entre l’amour filial et ce monde qui l’appelle ?
Réalisé par Debra Granik, celle-là même qui a révélé Jennifer Lawrence dans Winter’s Bone en 2011, Leave No Trace est l’adaptation du roman My Abandonment, de Peter Rock. A l’instar de son précédent film, la réalisatrice/scénariste américaine met à nouveau en scène une jeune actrice talentueuse en la personne de Thomasin McKenzie. Véritable révélation du film, la comédienne de 18 ans impressionne avant tout par la sobriété de son jeu. Jamais dans l’excès, elle délivre une interprétation subtile et puissante. A ses côtés, Ben Foster fait également montre d’une belle retenue. Extrêmement sous-estimé, l’acteur démontre une nouvelle fois toutes ses qualités dans un rôle dramatique loin d’être évident à incarner. Comme sa jeune partenaire, il séduit principalement par sa justesse incroyable. Si les deux acteurs s’illustrent individuellement, ils brillent aussi (et surtout) ensemble, affichant à l’écran une des alchimies les plus sidérantes de ces dernières années. Avec très peu de mots, le duo père-fille parvient en effet à dégager des émotions d’une puissance rare. A l’image notamment de cette magnifique scène finale, conclusion poignante d’une tranche de vie absolument mémorable.
Proche du somptueux Captain Fantastic par le retour à la nature auquel il invite, Leave No Trace dispose néanmoins d’une approche sensiblement différente, s’intéressant notamment – en sous-texte – à la difficulté d’un ancien soldat à gérer ses démons. Si les deux œuvres défendent une quête de liberté loin de la société de consommation, les motivations des deux hommes de famille sont donc assez distinctes. A travers le personnage de Will, incapable de vivre autrement qu’en marge de la société, Debra Granik dresse ainsi un portrait saisissant sur les ravages du trouble de stress post-traumatique (PTSD en anglais). Un portrait qui prend d’autant plus d’importance au regard de la relation subtile et complexe qui unit le père et sa fille. Malgré l’amour puissant qu’ils se portent, les deux personnages aspirent effectivement à des choses différentes. Et l’atout majeur du long-métrage réside justement dans cette capacité à exprimer, avec une grande pudeur, l’impossibilité de rencontrer ensemble ces différentes aspirations. Alors certes, le périple s’avère plutôt prévisible, de même que la réalisation de Granik est relativement classique, mais le récit regorge tout de même de belles fulgurances et de superbes moments de grâce.
D’une sobriété bouleversante, Leave No Trace s’impose donc comme un drame indépendant de grande qualité, tout à la fois sensible, émouvant et juste. Malgré un récit plutôt prévisible, le film séduit néanmoins par la subtilité de son écriture et la puissance dramatique de son duo d’acteurs, fabuleux Thomasin McKenzie et Ben Foster. Une belle petite claque !