Dans le fond, la plus grande de toutes les questions est celle de savoir qui l’on est réellement.
Salut Billy et joyeux Noël ! La dernière fois que nous nous sommes vus, je te parlais d’Atypical, une série géniale idéale à regarder en famille pendant ces chaleureuses vacances de Noël. Et tout aussi géniale qu’elle soit, je commence cependant à avoir un problème avec Atypical en ce sens qu’avec la fin de la saison 2, elle commence de plus en plus à ressembler à une autre série datant de 2009, qui est encore plus géniale (oui oui c’est possible) : United States of Tara.
UNITED STATES OF TARA
Créatrice : Diablo Cody
Actrices principales : Toni Collette, Brie Larson
Diffusion : 18 janvier 2009 – 20 juin 2011
Pays : États-Unis
Saisons : 3
Épisodes : 36
Durée par épisode : Environ 30 minutes
BIENVENUE CHEZ LES GREGSON
Au risque de me répéter par rapport au dernier article et de faire une lapalissade, qui dit série familiale dit famille. United States of Tara est donc une série diffusée entre 2009 et 2011 et produite par nul autre que l’immense Steven Spielberg (Indiana Jones, Jurassic Park…) qui raconte l’histoire de la famille Gregson. Cette dernière est composé de Max (John Corbett), le père, Marshall (Keir Gilchrist, l’acteur principal d’Atypical), le fils, Kate (Brie Larson, future Captain Marvel), la fille, et avant tout Tara (Toni Collette), la mère qui donne son nom à la série.
Autour de ce petit noyau familial dont on suite la vie quotidienne gravitent des personnages tous plus intéressants les uns que les autres, en premier plan notamment la tante Charmaine (Rosemarie DeWitt, qu’on retrouve aussi dans l’épisode « Arkangel » de Black Mirror) et son compagnon Neil Kowalski (le toujours sympathique Patton Oswalt).
« Bon c’est très bien tout ça Arthur, mais il est où le petit plus de cette série qui la rend si géniale que ça ? » Bonne question Billy ! Le petit plus, c’est que Tara est atteinte du Trouble Dissociatif de l’Identité (TDI), une affliction psychologique que l’on confond souvent avec la schizophrénie. Histoire d’être clair, le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux définit le TDI comme « la présence de deux ou plusieurs identités ou « états de personnalité » distincts qui prennent tour à tour le contrôle du comportement du sujet, s’accompagnant d’une incapacité à évoquer des souvenirs personnels. » Autrement dit, dans le corps de Tara cohabitent des identités multiples et distinctes les unes des autres. Et là, ça devient intéressant.
Tout comme Atypical n’est pas une série sur l’autisme, il convient bien de rappeler que United States of Tara n’est pas une série sur le TDI. Non, c’est une série familiale dont la mère se trouve être atteinte du TDI, c’est tout. Et c’est justement là la grandeur de la série. Toni Collette, qui joue donc Tara, est une actrice absolument formidable, et elle a reçu pour sa performance dans la série un Emmy Award et un Golden Globe – tous deux amplement mérités. Puisqu’en réalité elle ne joue pas seulement Tara la mère de famille, mais aussi toutes ses identités différentes, ce qui l’amène à un total de 8 personnages différents habitant le même corps à la fin de la saison 3. Rien que ça.
Au début de la première saison, Tara cohabite avec trois autres identités :
- T, une adolescente de 16 ans provocatrice et vulgaire, qui aime flirter et s’entend très bien avec Kate. Elle est immature et mal élevée mais présente des attraits de jeunesse rebelle et libérée des contraintes du monde réel.
- Buck, un soldat vétéran de la guerre du Vietnam, alcoolique, fumeur et macho. C’est un des personnages les plus difficiles à jouer (un homme ultra viril joué par une femme), mais Collette n’est jamais dans la caricature, et comme tout le reste de la série fait preuve d’une justesse extraordinaire.
- Alice, une femme au foyer de la vieille époque, très propre sur elle et fervente catholique, toujours dans l’élégance et l’aristocratie. Tout comme T, dont elle est pourtant l’exact opposée, elle sait se montrer aussi attachante qu’insupportable.
Et si cela ne te suffit pas, sache qu’au cours des 3 saisons que comporte la série, quatre autres personnalités apparaissent mais je tairai leurs noms pour ne rien te spoiler.
EN QUÊTE D’IDENTITÉ
Le grand mérite de United States of Tara, c’est que c’est une série qui n’a fait que s’améliorer au fil des épisodes, et qui a su quand s’arrêter. Elle fait trois saisons de 12 épisodes chacune, point final. Pourtant avec un postulat de départ aussi original, et une écriture aussi parfaite, elle aurait pu continuer pendant des années encore. Mais contrairement à d’autres comme Mon Oncle Charlie, Grey’s Anatomy ou Big Bang Theory, qui continuent même quand elles n’ont plus grand chose à raconter, United States of Tara a su terminer son histoire et partir sur un triomphe. Je me souviens du moment précis, à la fin de l’épisode 6 de la saison 2 (qui est ma préférée), soit l’exact milieu de la série, où on passe d’une très bonne série à une série excellentissime. Tous les personnages sont réalistes et on s’identifie énormément à eux, et surtout la série nous fait passer par tous les états émotionnels possibles et imaginables, on pleure, on rit, … Quand je l’ai découverte en décembre 2017, United States of Tara m’a brisé le cœur autant qu’elle a illuminé mes journées, et cet ascenseur émotionnel culmine dans le dernier épisode où tout prend fin et tous les arcs narratifs sont bouclés.
Et parlons justement de ces arcs narratifs. Si la série est une si grande réussite, c’est bien parce qu’elle a une histoire à raconter du début à la fin et qu’elle s’en tient à ce fil rouge. United States of Tara est caractérisée comme une dramédie, ce que je ne conteste absolument pas, mais en réalité le terme coming-of-age (on parle en français de « récit initiatique ») serait plus approprié. Car tous les arcs narratifs de chacun des personnages de la série ne tournent qu’autour d’une seule question : qui sommes-nous ? C’est la recherche de notre propre identité.
Pour le père Max, c’est trouver sa place au sein de la famille, ce qui ne sera pas sans rappeler Doug dans Atypical (quand je dis que les deux séries commencent à se ressembler !). Comment jouer pleinement son rôle quand sa femme incarne 8 personnes différentes ? Les pères sont toujours des personnages difficiles à traiter, ils ont cette façade d’homme de la famille, ils ne doivent pas montrer leurs émotions… Et quand tout explose dans la saison 3 c’est une véritable libération. Tout son arc tourne autour de sa recherche de place et comment s’imposer face à Tara et ses alter-egos.
Pour le fils Marshall, la quête identitaire passe par la question de la sexualité. Il est homosexuel, mais doit se découvrir lui-même à travers ses relations. Il enchaîne plusieurs petits amis, mais aussi une petite copine, et va apprendre de chacune de ses relations pour affirmer sa personnalité. Il est aussi passionné de cinéma (tiens donc) et émotif, et son récit initiatique va aussi le mettre face à chacune des personnalités de Tara, dont certaines vont lui poser de nombreux problèmes, en particulier T mais aussi Buck, qui est légèrement homophobe.
Pour la fille Kate, la quête identitaire est la plus totale après celle de Tara, et ma favorite. La problématique de Kate est de savoir comment se définir en tant que femme adulte, quand elle n’a pas de modèle féminin dans sa famille, entre sa mère et ses identités multiples qui sont instables, et sa tante Charmaine qui est juste une catastrophe humaine à tous les niveaux – dans la première saison s’entend, puisque Charmaine aussi a un arc narratif dédié. Elle va donc tenter de se révéler en tant que femme, à travers différents boulots et différentes relations amicales ou amoureuses. Kate représente le véritable passage à l’âge adulte, le fameux coming-of-age, ce moment précis à la fin de la scolarité où nous ne sommes plus définis ni par nos parents ni par notre établissement, mais où nous sommes amenés à nous définir nous-mêmes. Son arc narratif est un des plus construits et des plus complexes, et son histoire avec le formidable personnage de Lynda P. Frazier (l’éblouissante Viola Davis) et la superhéroïne Valhalla Hawkwind dans la saison 2 est une des meilleures de toutes les séries que j’ai vues de ma vie.
LA GLOIRE DE MA MÈRE
Et bien sûr l’arc narratif principal, central et primordial, c’est celui de Tara, qui pose la question la plus simple mais attend la réponse la plus complexe : qui suis-je ? Qui est Tara, par rapport à ses 7 autres identités ? Toute la série ne tend qu’à répondre à cette interrogation ô combien importante. Chacun des alter-egos est très facilement définissable par des caractéristiques prévalentes, mais quand on en arrive à Tara elle-même, c’est bien plus difficile. Car on ne peut pas juste la résumer en « celle qui a un trouble de l’identité. » Tara a une personnalité complète et unique, mais il faut réussir à l’exprimer.
C’est là qu’on se rend compte finalement que le TDI n’est qu’un outil scénaristique. L’arc de Tara est celui de toutes les mères de famille : qui sont-elles ? On attend tellement de choses différentes de nos mamans qu’elles doivent exercer des rôles toujours changeants. Et à travers le trouble identitaire de Tara, c’est en réalité cette pléthore de rôles à jouer qui est représentée. Et c’est exprimé dès le générique de la série, qui est par ailleurs un des meilleurs de tous les temps, et qui a été récompensé aux Emmy Awards :
« Open up the sky, this mess is getting high
It’s windy and our family needs a ride
I know we’ll be just fine when we learn to love the ride »
Nos mamans sont nos amies (T), elles doivent être fortes (Buck), s’occuper de la maison et des enfants (Alice), mais aussi être à notre écoute (Shoshana), etc… Néanmoins il ne nous faut pas oublier que nos mères ne se définissent pas juste par leurs rôles, que ce sont des personnes à part entière en dehors de leur vie familiale et que derrière chacune d’entre elles se cache une Tara. United States of Tara est un hymne à la gloire de nos mères, qui font tant pour nous et à qui on ne le dit jamais assez.
LE MOT DE LA FIN
United States of Tara est la série parfaite à regarder en famille. Elle nous accompagne dans notre quête d’identité personnelle et chacun peut s’identifier à au moins un des personnages. Mais avant tout c’est une série qui nous montre que les véritables héroïnes de nos vies, ce sont nos mères. Alors lâche cet ordinateur ou ce téléphone Billy, et va dire à ta maman que tu l’aimes !
Note : 9,5 / 10
« SHOSHANA – Il est temps de sortir de la cave. »
— Arthur