Le vide de nos cœurs, de Jasmine Warga

Par Lacritiquante

Je ne pensais pas du tout que cette lecture allait me faire autant d’effet : encore une fois, je me suis faite avoir avec ma fausse idée comme quoi le young adult c’est un peu doux quand même. Faudrait que je me rappelle plus souvent la claque que Nos étoiles contraires m’avait mise. Bref, aujourd’hui un livre qui m’a ému, faite vibrée et pleurer : Le vide de nos coeurs de Jasmine Warga.

Aysel veut en finir. Sa décision est prise. Depuis que son père a commis l’irréparable et qu’il est en prison, sa vie, sa famille, son travail, son lycée… tout devient pénible pour elle. Mais surtout, elle a au fond d’elle une grosse limace noire qui siphonne son énergie, ne lui inspire que de la tristesse et l’idée qu’elle pourrait bien finir comme son père. Pour trouver le courage de mettre un terme à sa vie, elle traîne sur le forum Smooth Passages, pour trouver un compagnon de suicide. C’est là qu’elle rencontre Roman, qui lui veut en finir le 7 avril. Roman et Aysel se voit souvent, pour planifier ce moment. Mais au fil des jours qui passent et les rapprochent de la date fatidique, Aysel s’aperçoit que peut-être, il y a une autre solution pour Roman et elle.

Quelque chose ne tourne pas rond chez moi. Bien sûr, certaines choses de ma vie me donnent le sentiment d’être seule au monde, mais rien m’isole et me terrifie plus que ma petite voix intérieure. Elle s’entête à me répéter qu’il y a de fortes chances pour que je finisse exactement comme mon père. Je parie que si on m’ouvrait le ventre, la grande limace noire de la dépression en sortirait. Les conseillers d’orientations adorent rabâcher qu’il suffit de « penser de façon positive », sauf que quand on a ce mollusque dans le ventre qui étouffe le peu de bonheur qu’on arrive à éprouver, c’est mission impossible. Comme machine à détruire les pensées positives, mon corps est d’une efficacité redoutable.

Au début, pour être honnête, je ne m’attendais pas à grand-chose. Je me disais tiens encore une romance sur fond de dépression puis de résurrection mais ce livre est tellement plus que cela. Déjà la romance n’est pas évidente. La relation entre Aysel et Roman n’est pas réelle, pas normale : rien ne peut s’appliquer à eux car ils se sont rencontrés pour mourir. A partir de là, tous les codes des relations amoureuses ne s’appliquent plus à eux, ce qui ne va pas les empêcher de partager une relation forte. L’envers du décor – la réaction des familles, des camarades du lycée, l’obligation de faire semblant d’aller bien devant les autres – est très réaliste. On s’y croit complètement. J’ai été emmené au Etats-Unis aux côtés de nos deux héros en un claquement de doigts et je n’ai plus jamais voulu les quitter. Ils sont terriblement attachants, et on comprend si bien leur douleur.

La dépression. Le mot n’est pas dit et pourtant c’est présent à chaque page. Une tristesse, une limace noire… difficile de l’aborder autrement alors qu’on arrive plus à y faire face. Les mots de l’auteure m’ont transpercée. Vraiment, Jasmine Warga a beaucoup de talent pour faire comprendre, toucher du doigt aux lecteurs non concernés ce qu’est la dépression. Et ce que représente aussi la sortie d’une dépression. J’ai eu peur à un moment que ses personnages soient des caricatures en ados blasés, mais pas du tout. C’est tellement vrai… dans les réactions, dans les mots des héros, dans leurs attitudes, dans leurs manies. Très sincèrement, j’ai vraiment beaucoup pleuré, surtout à la fin : que d’émotions !

Les personnages sont excellents, y compris les personnages secondaires qui sont criants d’humanité et de vérité. Jasmine Warga a vraiment une plume extraordinaire en ce qui concerne l’écriture des personnages. Elle maîtrise également bien le rythme de son histoire qui se déroule telle un compte à rebours vers le moment fatidique. L’auteure ne s’attarde que sur des événements intéressants, parfois seulement indirectement liés à l’intrigue, mais qui nous en apprennent en réalité beaucoup sur les héros et sur leurs vies.

Un belle lecture, je m’en souviendrai ! Un excellente surprise et je ne peux que vous la conseiller !

Jasmine Warga, Le vide de nos cœurs, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Maud Desurvire, aux éditions Hugo Roman, 17€.