Aux étoiles j’ai dit un soir :
« Vous ne paraissez pas heureuses ;
Vos lueurs, dans l’infini noir,
Ont des tendresses douloureuses ;
Et je crois voir au firmament
Un deuil blanc mené par des vierges
Qui portent d’innombrables cierges
Et se suivent languissamment.
Etes-vous toujours en prière ?
Etes-vous des astres blessés ?
Car ce sont des pleurs de lumière,
Non des rayons, que vous versez.
Vous, les étoiles, les aïeules
Des créatures et des dieux,
Vous avez des pleurs dans les yeux… »
Elles m’ont dit : « Nous sommes seules…
Chacune de nous est très loin
Des sœurs dont tu la crois voisine ;
Sa clarté caressante et fine
Dans sa patrie est sans témoin ;
Et l’intime ardeur de ses flammes
Expire aux cieux indifférents. »
Je leur ai dit : « Je vous comprends !
Car vous ressemblez à des âmes :
Ainsi que vous, chacune luit
Loin des sœurs qui semblent près d’elle.
Et la solitaire immortelle
Brûle en silence dans la nuit. »
Sully Prudhomme, Les Solitudes, 1869
Jean-Michel Folon, La tête dans les étoiles