George Sand, écrivain si considérable pour comprendre le XIXème siècle, nous a transmis son souvenir d'enfance et sa joie d'attendre... le père Noël. Un texte qu'elle complète d'une réflexion sur l'importance du merveilleux pour les tout petits. Bref, elle atteste que le père Noël n'est pas une invention de Coca-Cola (ce qu'on lit souvent) et que " faire croire " au père Noël n'est pas tromper son enfant. Bonne lecture ... à partager !
* Le philosophe Jean-Jacques Rousseau, auteur entre autres de L'Emile, où il traite de l'éducation des enfantsCe que je n'ai pas oublié, c'est la croyance absolue que j'avais à la descente par le tuyau de la cheminée du petit père Noël, bon vieillard à barbe blanche, qui, à l'heure de minuit, devait venir déposer dans mon petit soulier un cadeau que j'y trouvais à mon réveil.
Minuit ! Cette heure fantastique que les enfants ne connaissent pas et qu'on leur montre comme le terme impossible de leur veillée ! Quels efforts incroyables je faisais pour ne pas m'endormir avant l'apparition du petit vieux !
J'avais à la fois grande envie et grand' peur de le voir : mais jamais je ne pouvais me tenir éveillée jusque-là, et le lendemain, mon premier regard était pour mon soulier, au bord de l'âtre. Quelle émotion me causait l'enveloppe de papier blanc, car le père noël était d' une propreté extrême, et ne manquait jamais d' empaqueter soigneusement son offrande. Je courais pieds nus m'emparer de mon trésor. Ce n'était jamais un don bien magnifique car nous n'étions pas riches. C'était un petit gâteau, une orange, ou tout simplement une belle pomme rouge. Mais cela me semblait si précieux que j'osais à peine le manger. L'imagination jouait encore là son rôle, et c'est toute la vie de l' enfant.Je n'approuve pas du tout Rousseau* de vouloir supprimer le merveilleux, sous prétexte de mensonge. La raison et l'incrédulité viennent bien assez vite d'elles-mêmes. Je me rappelle fort bien la première année où le doute m'est venu sur l'existence réelle du père noël. J'avais cinq ou six ans, et il me sembla que ce devait être ma mère qui mettait le gâteau dans mon soulier. Aussi me parut-il moins beau et moins bon que les autres fois, et j'éprouvais une sorte de regret de ne pouvoir plus croire au petit homme à barbe blanche.
J'ai vu mon fils y croire plus longtemps ; les garçons sont plus simples que les petites filles. Comme moi, il faisait de grands efforts pour veiller jusqu' à minuit. Comme moi, il n'y réussissait pas, et comme moi, il trouvait, au jour, le gâteau merveilleusement pétri dans les cuisines du paradis ; mais, pour lui aussi, la première année où il douta fut la dernière de la visite du bonhomme.
Il faut servir aux enfants les mets qui conviennent à leur âge et ne rien devancer. Tant qu'ils ont besoin du merveilleux, il faut leur en donner. Quand ils commencent à s'en dégoûter, il faut bien se garder de prolonger l' erreur et d' entraver le progrès naturel de leur raison.