Roissy

de Tiffany Tavernier
Roman - 270 pages
Editions Sabine Wespieser - août 2018
Dans les allées de l'aérogare de Roissy, une femme passe ses journées à arpenter, s'asseoir, repartir tirant sa valise, répondre aux sollicitations des voyageurs perdus. Chaque jour, elle a besoin de s'aérer près des pistes, de sentir le souffle des décollages. Chaque jour, elle rejoint les entrailles de l'aéroport pour passer les nuits sous la protection de Vlad. Elle est devenue, du jour au lendemain, une "indécelable" frappée d'amnésie. Incapable de se souvenir du drame qui l'a rendue ainsi, de la vie qu'elle menait avant, elle s'est refait une vie de mensonges, de dissimulation, d'évitement des agents de sécurité et des rôdeurs malveillants. Roissy, elle en connaît de nombreux coins et recoins. Chaque jour, elle reconnaît un homme qui vient attendre à l'arrivée du vol Rio-Paris, sans jamais y retrouver personne.
D'une très belle écriture, Tiffany Tavernier nous fait un huis-clos cinématographie. Comme perché sur l'épaule de cette narratrice errante, le lecteur sillonne l'aéroport, s'imagine ce quotidien atypique, cette vie à long terme au sein de ce lieu de transit, au milieu de voyageurs qui se pressent. Et il y a les coulisses, les non lieux, les entrailles qui servent de squat nocturne, les anecdotes, les vies à s'inventer, sa vulnérabilité à masquer.
Extrait :"Marcher. Toujours marcher. Quarante-huit heures sur place ont suffit pour que j'intègre l'information. Marcher, oui. Sans cesse. Seul moyen de ne pas se faire repérer par l'un des mille sept cents policiers affectés à la sécurité ou par l'une des sept cents caméras qui, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, filment les allées et venues de tous. Marcher, aller d'un bout à l'autre des aérogares, revenir sur ses pas. Tourner en rond, quoi, car ici l'ensemble des modules des terminaux ABCDEF forment un immense 8. Se fondre dans la foule en tournant sans fin pour me protéger des regards, ceux des SDF dont je ne veux surtout pas faire partie, ceux des policiers, ceux des opérationnels enfin, plus de cent mille personnes ici."
Et puis il y a ces flashs, ces apparitions intempestives que la mémoire de la narratrice effectue. L'auteur arrive incroyablement bien à concrétiser par les mots ces choses si insaisissables que sont les bribes de souvenirs, les flashs du passé que l'on arrive très difficilement à reconstituer.Sur les pages du roman, des incursions de messages publicitaires ou d'information que l'on croise dans les allées, que l'on ne lit plus, mais qui résonne et qui nous plantent un décor très réaliste.Roissy est un très beau roman réussi, pas un roman de voyage, mais presque un roman social, emprunt d'une poésie un peu amère, un livre sur le souvenir et le présent.
L'avis de Baz'art - Des films, des livres
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