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Un prélèvement à la source calé, cadré, carré

Publié le 21 décembre 2018 par H16

La fin d’année approche. Les quelques jours qui s’inscriront dans ce qu’on appelle, traditionnellement, la Trêve des Confiseurs verront peut-être un salutaire retour au calme pour le Président Macron, son gouvernement et ses députés. Espérons-le, car du calme et de la sérénité, il va en falloir pour préparer comme il faut ce passage au prélèvement à la source que beaucoup anticipent avec fébrilité.

Rassurez-vous cependant, c’est le ministre Gérald Darmanin qui est à la barre, qui a insisté pour que cette formidable réforme soit bien mise en place et qu’elle soit menée à terme. On sait déjà que ce sera une réussite flamboyante avec feu d’artifice et petits fours.

Un prélèvement à la source calé, cadré, carré

Il faut dire que tout est calé, cadré, carré. Chaque processus a été revu, chaque procédure a été optimisée, chaque algorithme a été testé et poli, chaque cas d’exception a été envisagé.

Mieux que ça : Bercy sait que quelques cas épineux ne manqueront pas d’advenir. L’administration fiscale a donc déjà tout prévu pour couvrir aussi cet angle. Mazette, quelle planification d’enfer !

Pour les rares (forcément rares) Français contribuables qui découvriront une petite (forcément petite) erreur lors de leur prélèvement à la source, le Ministère des Finances a d’ores et déjà mis en place un standard téléphonique dont les agents, dûment formés, sauront répondre à toutes les questions fiscales possibles.

Il faut bien comprendre que ce véritable « guichet d’information téléphonique » représente probablement l’outil le plus affûté de la boîte (bien remplie) de Bercy pour parer à toutes les éventualités. En outre, n’oubliez pas que les perceptions locales seront elles-aussi au rendez-vous. Gérald l’a d’ailleurs rappelé : 79 d’entre elles n’ont pas été fermées, ce qui montre une vraie volonté de ne pas fuir devant les contribuables en colère répondre en direct aux questions des contribuables.

Nous avons maintenu 79 trésoreries dans les territoires ruraux !
Le @gouvernementFR va sortir les services publics des métropoles pour les rendre plus accessibles à tous les Français.
Nous voulons augmenter de 30% les points de contacts dans les territoires. cc @ALCattelot pic.twitter.com/YkJSVomnxN

— Gérald DARMANIN (@GDarmanin) December 18, 2018

Vous voyez, tout va bien : l’augmentation des points de (full-)contact est donc prévue. Le rare contribuable confronté à la petite boulette fiscale pourra se défouler s’expliquer au guichet. On l’écoutera poliment et ça ne changera rien.

Un prélèvement à la source calé, cadré, carré

Quant aux standards téléphoniques, il avait été question au début de faire appel à des sociétés privées, rodées à la gestion des appels téléphoniques en nombre, pour traiter les questions fiscales qui pourraient se poser lors du passage au prélèvement à la source.

Cette idée, coûteuse, posait cependant quelques petits soucis de confidentialité des données échangées (oh, si peu !) et risquait aussi de donner le flanc à la critique parfois entendue de capitalisme de connivence, le contrat couvrant la prestation étant assez potentiellement juteux.

Or donc, à l’instar de la fermeté inébranlable qui fut de mise pour le cap jupitérien de notre Président en matière de réformes, le ministre n’aura pas hésité à changer d’avis au mois d’août : difficile de trouver l’entreprise privée qui pourrait répondre au cahier des charges strict et pointilleux d’une administration fiscale qui est – je le rappelle – particulièrement calée, cadrée, carrée.

En septembre, les choses se font plus claires : le contribuable n’aura pas à payer pour les appels passés au numéro de téléphone du standard pas du tout privé qui sera mis en place pour répondre aux quelques appels sporadiques – forcément sporadiques – de la brebis contribuable égarée.

Après tout, payer ses impôts est plus qu’un devoir du contribuable : c’est aussi un plaisir citoyen et un lien renouvelé à la nation et son État qui distribue des prestations que le monde nous envie. Dès lors, il serait étrange de faire payer l’appelant, n’est-ce pas ?

Parallèlement, la mise en place du service téléphonique en question suit son cours, ce qui explique l’embauche discrète et paniquée calme et planifiée de nouveaux agents dont la formation, qu’on devine déjà précise, complète et pertinente, ne manquera pas de mettre à profit les 2 ou 3 semaines, soit 10 à 15 jours ouvrés – mazette, quelle planification d’enfer ! – qui séparent la fin de l’année pour avoir une équipe au top.

Bref : tout est maintenant prévu. Calé. Cadré. Carré.

Un prélèvement à la source calé, cadré, carré

Enfin presque.

Finalement, après avoir bien réfléchi, Gérald le petit malin a compris qu’il y avait certainement moyen de se faire deux ou trois thunes avec son nouveau centre d’appel fiscal : finalement, le numéro ne sera certes pas surtaxé (ah ah ah, la blagounette : une surtaxe pour Bercy, ce serait une nouveauté) mais ne sera néanmoins pas gratuit (i.e. payé avec l’argent des autres). Oui, vous avez bien lu : le fait de vouloir comprendre, par téléphone, pourquoi on vous a désanussé fiscalement pendant la nuit du 31.01.2019 au 01.02.2019 vous coûtera un petit écot supplémentaire.

Un prélèvement à la source calé, cadré, carré

Il n’y a pas de petits profits. Et, soyons franc, c’est très malin de la part de Gérald : à chaque fois que vous viendrez pleurnicher parce que votre impôt a été malencontreusement mal calculé et qu’il ne vous reste que 100€ (non chargé, non fiscalisé, cadeau de Macron) pour terminer le mois, vous paierez.

D’une part, cela garantira que seront correctement payés les agents embauchés pour vous donner des directives floues, des conseils ridicules et des informations périmées. Ce serait dommage que ne soient pas correctement rémunérés les efforts qui seront déployés dans ce centre d’appel pour éparpiller les quelques centaines de milliers douzaines de contribuables malencontreusement lésés par le calcul pointu mené par les puissants ordinateurs de Bercy.

D’autre part, cette facture téléphonique aidera aussi à trier le bon grain de l’ivraie, l’ivraie étant ce contribuable tatillon qui viendrait à se plaindre d’une ponction trop forte, le bon grain, celui-là qui expliquera sa surprise de n’avoir pas été retenu à la source…

Décidément, la France est un pays merveilleux où, après avoir inventé (via la CSG) un impôt sur un revenu déjà imposé, il faudra bientôt payer pour s’acquitter de ses impôts et s’assurer que son dossier est correctement traité.

Vraiment, bien joué Gérald.

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