C'est l'avis du philosophe australien Clive Hamilton. Il était présent à la COP21 à Paris, il a suivi la COP24. Pour lui, cela fait peur de penser à un monde à +4°C, alors on se protège en utilisant des mécanismes de défense. Il est assez pessimiste pour l'avenir.
Face à la terrible vérité scientifique du changement climatique, les humains mettent en place divers "mécanismes de défense psychologiques", explique le philosophe australien Clive Hamilton. Peu nombreux sont ceux capables de "vivre avec, au quotidien", poursuit l'auteur du best-seller "Requiem pour l'espèce humaine". Paru en 2010, cet ouvrage décrit l'installation d'un enfer sur Terre, avec moins d'un milliard d'êtres humains sur Terre. Une prévision pour le XXIIe siècle.
Hamilton était présent dans les coulisses de la COP21, et à l'époque, alors qu'on annonçait la signature de l'Accord de Paris, il était optimiste. Mais il estime aujourd'hui qu'il est tombé dans un piège : "La COP de Paris était unique (...), on avait l'impression d'être enfin à un tournant. L'ambiance était grisante, et je suis tombé dans le piège. Quelques obstinés comme (le scientifique) Kevin Anderson, disaient 'il est trop tard, ça ne marchera pas', mais j'ai choisi d'écouter des gens engagés convaincus que c'était un tournant. Une lueur d'espoir après des années d'accablement semblait libérateur. J'aurais dû me méfier. Qu'est-ce qui s'est passé ? En un mot, Trump. N'oubliez-pas qu'il a été élu en tant que climato-sceptique".
Selon Clive Hamilton, l'accusation contre le catastrophisme est "une invention astucieuse d'une entreprise de relations publiques travaillant pour les énergies fossiles. En fait, les scientifiques et les défenseurs de l'environnement ont hésité à dire la vérité au public sur l'ampleur et l'irréversibilité du réchauffement. Il y a plusieurs raisons pour minimiser les dangers. Certains scientifiques se sont laissés intimider, subissant les attaques constantes des négationnistes de la science climatique et des politiques conservateurs. Ce sont des êtres humains, mais en tant qu'experts ils ont une responsabilité d'informer la population sur la science, surtout quand les pires scénarios deviennent réalité. Les défenseurs de l'environnement ont d'autres raison. Ils sont convaincus que raconter des histoires de fin du monde est contre productif, qu'ils doivent donner de l'espoir aux gens parce que la morosité les immobiliserait ou bien ils voudraient faire la fête en attendant de mourir".
"Un vœu pieu est propagé par certains, convaincus (...) que les humains vont créer un monde magnifique de prospérité pour tous dans un jardin des délices"
Arrivé à un point où le réchauffement climatique est irréversible et ne peut être qu'éventuellement limiter dans son augmentation, les pays et les peuples réagissent différemment. Clive Hamilton fait la différence entre les États-Unis, "_où l'optimisme est enraciné dans la culture", et l'Europe et sa longue histoire de violences, où, selon lui, "les Européens sont mieux préparés psychologiquement pour ce qui va arriver"_
_"Quand quelqu'un me dit 'nous devons donner de l'espoir aux gens', je lui réponds: 'Espoir de quoi ?' Nous avons dépassé le cap d'un réchauffement climatique réversible. La question est maintenant : que devons-nous faire pour le contenir sous les +2°C et non +4°C? Un vœu pieu est propagé par certains, convaincus (...) que les humains vont créer un monde magnifique de prospérité pour tous dans un jardin des délice_s.
Devant la prise de conscience généralisée et la mobilisation croissante des citoyens, des jeunes, face à l'urgence climatique, il y a une demande de réponse politique. Toutefois, chacun, au quotidien a une manière différente de réagir.
" Il y a ceux qui nient la vérité, ceux qui se disent que ça ne peut pas être si terrible, ceux qui croient qu'une solution sera trouvée pour faire disparaître le problème, et ceux qui connaissent la vérité mais qui ne la laisse sortir que par moment. Seuls quelques uns, avec des ressources psychologiques fortes, sont capables de vivre avec en permanence. Certains militants sont comme ça. Cela fait peur de penser à un monde à +4°C, les extinctions, les mauvaises récoltes, les migrations de masse, les tempêtes et les incendies. Alors on se protège en utilisant des mécanismes de défense psychologiques. On l'ignore, on ne lit pas certains reportages, on se dit que les humains ont résolu d'autres problèmes difficiles, ou on espère que Dieu nous sauvera", explique Clive Hamilton.