COMPLAINTE
de la lune en province
Ah ! La belle pleine Lune,
Grosse comme une fortune !
La retraite sonne au loin,
Un passant, monsieur l’adjoint;
Un clavecin joue en face,
Un chat traverse la place :
La province qui s’endort !
Plaquant un dernier accord,
Le piano clôt sa fenêtre,
Quelle heure peut-il bien être ?
Calme Lune, quel exil !
Faut-il dire : ainsi soit-il ?
Lune, ô dilettante Lune,
A tous les climats commune,
Tu vis hier le Missouri,
Et les remparts de Paris,
Les fiords bleus de la Norwège,
Les pôles, les mers, que sais-je ?
Lune heureuse, ainsi tu vois,
A cette heure, le convoi
De son voyage de noce !
Ils sont partis pour l’Ecosse.
Quel panneau, si, cet hiver,
Elle eût pris au mot mes vers !
Lune, vagabonde Lune,
Faisons cause et mœurs communes ?
Ô riches nuits ! Je me meurs,
La province dans le cœur !
Et la Lune a, bonne vieille,
Du coton dans les oreilles.
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