[Critique] Roma

Par Wolvy128 @Wolvy128

Inspiré par les souvenirs d’enfance d’Alfonso Cuarón, Roma désigne le nom du quartier de Mexico où le réalisateur mexicain a grandi. A travers le parcours de Cleo (Yalitza Aparicio), jeune femme au foyer dévouée, le film fait la chronique d’une année tumultueuse dans la vie d’une famille de la classe moyenne au début des années 1970.

Couronné du Lion d’Or à la dernière Mostra de Venise, Roma a fait sensation dans la plupart des festivals où il a été présenté. Un succès critique que sa sortie mondiale sur Netflix, le 14 décembre dernier, n’a en rien entaché, le film générant à nouveau une grande majorité de retours élogieux. Pour autant, le long-métrage mérite-t-il vraiment toutes ses louanges ?

Sur la forme, oui, c’est indéniable. Si on pourra légitimement se questionner sur l’intérêt du noir et blanc, ou regretter l’utilisation abusive de panoramiques et travellings horizontaux, force est en effet de constater que la mise en scène de Cuarón est extrêmement élégante, réservant son lot de plans mémorables. Cela étant, et c’est le plus gros problème du film, les effets de mise en scène sont tellement flagrants qu’ils annihilent bien souvent toute la portée émotionnelle des séquences. Malgré la beauté indiscutable de ses images, l’œuvre échoue ainsi à dégager la moindre émotion, même dans ses scènes les plus vibrantes. Un défaut regrettable que le scénario ne parvient malheureusement pas à atténuer, celui-ci n’offrant pas de fil narratif suffisamment consistant que pour passionner pendant 2h15. Pas étonnant, dès lors, que le quotidien plutôt banal de cette femme au foyer finisse rapidement par ennuyer. Bien sûr, à travers son parcours courageux, c’est une multitude de thèmes intéressants que le cinéaste passe en revue (la femme, la famille, la société, la politique…), mais le traitement n’est cependant jamais à la hauteur, l’écriture se complaisant dans de trop nombreuses banalités.

Des banalités auxquelles viennent, de surcroît, s’ajouter des symboles lourdingues à base de chiens ou d’événements prophétiques. Autant d’éléments qui, à l’instar de la rigueur du cadre, contribuent à tenir le spectateur à bonne distance du récit et de ses personnages. Alors certes, il s’agit d’un choix plutôt judicieux dans l’optique de retranscrire le caractère insaisissable des souvenirs du réalisateur, mais complètement inefficace pour nous immerger profondément/durablement dans l’histoire, et ainsi nous faire ressentir les choses plus que de nous les montrer. Enfin, la comédienne principale Yalitza Aparicio achève d’enterrer toute chance d’émotion par son jeu totalement inexpressif. J’ignore si le problème vient de la direction d’acteur ou de son inexpérience en tant qu’actrice, mais le résultat à l’écran est en tout cas très décevant. Plutôt transparente, elle éprouve – comme la plupart du casting à l’exception de Marina de Tavira – les pires difficultés à susciter une quelconque empathie. Bien que la pertinence de la décision pose question, on saluera tout de même pour terminer l’audace du cinéaste de ne proposer aucune bande originale pour accompagner son film.

Sans rien enlever à ses évidentes qualités formelles, Roma peine donc à convaincre sur la durée. Plombée par une écriture faisant la part belle aux truismes éculés et une mise en scène virant trop souvent à l’exercice de style, la dernière œuvre d’Alfonso Cuarón n’a que ses jolies images pour maintenir un semblant d’intérêt pendant près de 2h30.