Je m’en vais dans le soir comme un fiévreux qui rêve,
Et qui monte très haut, flottant dans un linceul,
Et qui voudrait qu’enfin le vertige s’achève,
Mais qui monte toujours, étonné et tout seul.
Dans l’espace, mes sens érigent leurs antennes,
Pour distinguer le bruit qui naît du bruit qui meurt ;
Je cherche dans le ciel quelle étoile est la mienne,
Je cherche des oublis qui sont toujours ailleurs.
Quand le jour insolent raille mon stratagème,
Je montre à son soleil les misères que j’ai ;
Et pour parer mon deuil, je porte en diadème,
La clarté que j’ai prise aux astres étrangers.
Les astres qui brillaient pour d’autres, je les porte,
Et je vais, attentive, à travers les humains,
Songeant que mon étoile, un autre me l’apporte,
Et nous échangeons nos astres en chemiin.
Jovette-Alice BERNIER, Les masques déchirés, 1932
Jean-Michel Folon, La tête dans les étoiles (Musée de La Hulpe)