On entre dans le studio de l’Espace Cardin et on découvre un dispositif particulier : une grande table rectangulaire recouverte d’une nappe blanche et, sur trois côtés, les gradins qui accueillent les spectateurs. Le premier venu sur ce qui sera la scène vient du fond et dépose à jardin une paire de chaussures, puis au bout de la table il demande au public d’éteindre les téléphones portables, et quitte, à cour, la scène. Nous sommes au théâtre. Tout fait sens. La troupe qui prend place au fond de la scène, la comédienne qui semble se tordre la cheville et se rattrape au dossier de la chaise, celui qui joue la soeur à genoux sur une planche à roulettes… Chaque membre de cette famille s’acharne sur le fils mutique ; les regards, les gestes qui nous font rire sont pourtant terriblement glaçants. C’est sans doute la mise en scène qui rend si actuels les propos qu’on entend. Un peu d’inceste par ci, une autre violence par là, du désespoir sans doute comme sont désespérés certains clowns. Les maquillages coulent, le maître tue l’élève, on entend qu’il y a trop de taxes et l’intervention du pompier, ici même, en bas des Champs Élysées au lendemain des manifestations de cette fin d’automne, ne peut que nous rappeler la proximité du théâtre et de la vie. Et quand Ionesco a mis à mal la famille, la société, le couple, il reste les mots avec quoi jouer, de virelangues en virelangues.
J'ai vu ce spectacle, programmé par le Théâtre de la Ville, à l'Espace Cardin, à Paris.