C’est l'auteure qui assure aussi la mise en scène. Elle est donc grandement responsable du résultat, ce qui est agréable à formuler pour moi ainsi parce que j'ai beaucoup aimé cette pièce alors que le sujet n'est pas facile à traiter.
Le plateau est nu, sans fioriture, et c’est bien. Le seul luxe aura été de repeindre le mur du fond, noir uni. L’acte I se déroule au cimetière de Bagnolet, dans le nord est de Paris.
Je te promets, j’ai pas pleuré aujourd’hui, Laure (Bérengère Dautun) campe sur son pliant, comptant sans doute y passer un bon moment. Le spectateur n’a pas le sentiment d’un monologue mais davantage d’un dialogue ... avec son mari, disparu depuis un moment mais l'ambiance n'est pas triste. On perçoit la puissance des sentiments qui les unissait, ... qui les unit encore. Mais l’humour est tout de suite présent à une cohorte de petits détails que je vous laisse découvrir.
Une jeune femme (Sylvia Roux) surgit comme un fauve, à cran, tout en se contenant, semblant être énervée d'entendre parler cette visiteuse toute seule. Assez vite les deux femmes s'accordent, malgré une différence d'âge qui pourrait les opposer. Rien ne laisse entendre pourquoi. Léa est ethnologue et s'intéresse de près aux rituels funéraires, ce qui légitime sa présence. Laure semble si attentive qu'on se demande un instant, pensée fugitive, si Léa ne lui rappellerait pas quelqu'un ?
Danielle Mathieu-Bouillon a écrit des dialogues aux petits oignons qui font mouche grâce aussi à l'interprétation très fine des deux comédiennes.
Les expressions sont choisies et imagées. On comprend que les marées d'équinoxe de la veuve sont autant d'épisodes dépressifs. Tant de répliques sonnent justes ! Une tombe est un lieu symbolique... Vous ne croyez pas que la vie continue vous ? Rien ne meurt, tout se poursuit différemment, c’est tout. (...) Le vrai critère de l’intelligence c’est de pouvoir déplacer son point de vue (...) La vie n’est pas absurde. Elle est mystérieuse.
Le ton apporte souvent une respiration humoristique qui ne se remarquerait pas à la lecture.
Le sujet de la pièce sera révélé sur tous les médias et le spectateur pensera venir en connaissance de cause. C'est omettre combien compte l'interprétation et la première représentation a été marquée par une forte intensité au Studio Hébertot.
La pièce pose toutes les questions qui animent depuis des années le débat sur ce que beaucoup réclament comme un droit, celui de mourir dignement (ce qui en l’occurrence ne concerne "que" les départs prévisibles, excluant les victimes d’accident ou d’attentats). Ce spectacle n’est pas donneur de leçon. On vibre, on rit aussi. On aurait pu croire que le dossier était "bouclé" à la fin de l'acte III mais le dernier, magistralement mené par Sylvia Roux permet d'élargir sur d'autres champs.
C’est un hymne à la vie et à l’amour ... à tous les âges et pour tous les publics. La musique ponctue parfaitement chaque acte.
L'affiche est une photo d'une amie de l'auteure, Hélène Sauvaneix, la maman de Marie Sauvaneix, qui a accepté, alors qu'elle est plongée dans la propre création de sa pièce, d'être son assistante sur la pièce. Nicole Anouilh était sa marraine. Serge Bouillon, le conjoint de Danièle était son parrain, auquel la pièce est, sans surprise dédiée.Toute l’équipe est à saluer ! Et c’est ce qui fut fait chaleureusement ce soir là.
Le choix de GabrielleEcrit et mis en scène par Danièle Mathieu-BouillonAvec Bérengère Dautun et Sylvia Roux10 dates exceptionnelles avant Avignon 2019Du 12 décembre 2018 au 20 février 2019Le mercredi à 21hAu Studio Hébertot78 bis Boulevard des Batignolles, 75017 Paris