Ils sont trois amis, Laurens, Robin et Matthijs, les deux premiers inséparables encore aujourd'hui, en l'an 2015. Ils étaient tous trois dans la même classe, à Amsterdam, pendant l'année scolaire 1998-1999, lors du drame.
Un de leurs camarades, Tino, s'était en effet donné la mort par asphyxie au printemps et avait nommément accusé le trio de l'avoir poussé à commettre son suicide dans une lettre vengeresse qu'il avait laissée derrière lui.
Il n'y avait pourtant aucune preuve de leur harcèlement à son égard, à l'exception de cette lettre. Mais la classe avait été manipulée par l'outre-tombe et il avait fallu du temps à Laurens pour se remettre de son ostracisme.
Laurens et Merel s'étaient mis en couple à dix-neuf ans. Sans doute lasse de servir de défouloir à son copain, elle avait rompu, après quatre ans de vie commune, et après qu'il l'avait trompée, pour retourner au... célibat.
Deux ans plus tard, Laurens rencontrait Jacqueline, croisée six ans plus tôt, bien au courant de son passé avec Merel. Depuis, ils forment un de ces couples modernes et libres, où l'un n'empêche pas l'autre de sortir sans lui...
Diplômé à 26 ans, Laurens, par relation, décroche un emploi à la hauteur de ses attentes dans le Zuidas, tandis que Jacqueline, un an de moins que lui mais diplômée deux ans plus tôt, fait de la recherche opérationnelle.
Tout serait pour le mieux dans leur monde où règnent la musique, le sexe, les alcools, Skype et les réseaux sociaux, si ne réapparaissait la mère de Tino, Sara Carofiglio (sic), sur une chaîne de télévision régionale italienne.
Sara, 49 ans, qui était déjà belle à l'époque, vient d'écrire un livre à la mémoire de son fils. Mais elle ne se contente pas de remuer le passé, elle veut aussi rencontrer les membres du trio, pour comprendre et faire son deuil.
Le roman est bien La constellation des naufrages, qui jalonnent l'existence de Laurens. Car, après les quatre disparus de sa génération, Tino, Silvia, Siri et Werner, il n'est pas au bout de ses peines quand Sara réapparaît.
Cette constellation est aussi celle de l'époque actuelle, dépeinte par Elodie Glerum, où la cruauté se manifeste en paroles, voire en actions. Laurens en est l'archétype, inconscient de ce qu'il a fait, ou fait, aux plus faibles.
Jacqueline en a un jour un aperçu quand Laurens dit d'un ancien collègue: Une erreur humaine, un golem! Il avait peut-être des notes correctes, mais aucune boîte ne l'aurait embauché, par sécurité pour ses employés...
Avec de telles prédispositions d'esprit chez Laurens, le lecteur peut se demander s'il échappera toujours lui-même au naufrage, alors qu'autour de lui les naufrages forment de plus en plus une véritable et sinistre constellation.
Francis Richard
La constellation des naufrages, Elodie Glerum, 320 pages, L'Âge d'Homme
Livre précédent:
Erasmus, éditions d'autre part (2018)