cette lumière
soleil citron tranché net, ourlet de givre
et l’ample lame bleue, coulure d’acier, pure indifférence
coups de foudre, orages globalisent ici leurs sillages vivants, l’écume des princes et désastres
le muscle blanc du bouleau balance sa toison grêle, joint les deux bouts du temps, témoigne
courants et tourbillons
d’autres cycles toujours nourrissent ce rayonnement horizontal à se dresser les berges, enflammer le lit seul
miroir de bleu et vide azur confondus, pupilles et sphères d’incandescences niaises s’y affolent
tournois phosphore sur la lice et plane fascination
la lumière arpente l’étale hiver, noie de sombres vérités
Narcisse s’aveugle
un trait de feu gicle jusqu’à la nuit rampante
s’offre au néantpulsion bleue
pour Gérard Houver
pénombre et lente émergence
air pesant sous nuages plombés (menace d’orage selon Météo France et couleur de vigilance : ces drapeaux pour plages de l’été submergé)
intérieur à volets bleu marine entr’ouverts, toutes fenêtres offertes aux rares sursauts de l’air ; précieux degrés en rémission
assez loin la rue : rareté estompée des moteurs à l’heure facile de la sieste
France-Musique, vigile discrète : Wolfang Amadeus Mozart et ses rapports (difficiles) avec le prince archevêque Coloredo de Salzburg ; l’adagio du concerto pour piano Koechel 271 dédié à la jeune piano-fortiste française nouvellement arrivée, mademoiselle Jeune Homme, si étrangement nommée et non moins adulée, instille lentement les chairs mûres, lait de grâce génialement pure
là-bas, l’océan, option basse, assoupi pour l’heure ; qu’il regimbe à marée haute et l’on perçoit bien, ici, sa respiration de vent d’ouest
les personnages sont la trame de l’histoire
G. le peintre : à travers son art eut lieu la première rencontre, seize ans déjà
l’entente fut telle : immédiate
versez une goutte de sang dans votre ruisseau familier : c’est tout le fil du courant qui se colore
il est venu avec M. et trois petites filles avides de vie - déjà marquées par elle, aussi - pour une rencontre avec l’océan infini, ses jeux estivaux, ses hôtes aussi
il a offert ce tableau, bleu sur fond bleu, choisi pour ici
le temps de l’accrochage et le voici intégré à la pâte des heures d’échange et de partage comme s’il vivait parmi nous depuis toujours
eux repartis, le vide s’emplit, tyrannie de l’absence cuisante au creux de la présence encore trop vive
comme pour mieux recadrer l’essentiel, la pénombre et l’ouate caniculaire y incitant d’autant
on vient justement d’encadrer le tableau, de recalculer minutieusement le mur pour lui
cadre de bois strié dans sa longueur et lasuré de blanc sur murs blancs, fenêtres et volets bleu marine
faible échange de valeurs avec le mur, encore que : rotation des lumières de jour et spots de nuit le bordent d’une ombre tournante, irradient les épaisseurs ou les soulignent d’un filet sombre
plus neutre, ce cadre manifeste mieux la présence de la lumière à laquelle le tableau est dédié
l’assez large bordure ouvre le souffle bleu sur l’espace blanc du mur, la plage vierge des jours à naître
la lumière dont il s’agit ?
de la Grèce d’été où nous retrempions nos âmes, je demandais un jour à G. quel peintre saura jamais rendre les infinies nuances azur et bleu que l’Adriatique – ciel et mer mêlés – sans cesse prodigue
point de réponse écrite alors mais cette réponse pour de vrai : bleus parcourus de verts, de mauves, d’ombres, d’éclats de lumière…
une vibration continue traverse le tableau, le déborde, des frissons acérés au frémissement épanoui
l’océan bat dans ce tableau, pas le miroir, surface aveugle mais le chatoiement des profondeurs, le questionnement jailli du cœur
ces bleus existent parce que nous les pénétrons ; pour peu qu’on veuille bien se laisser traverser par eux, ils nous content nos parts d’ombre et de lumière, la quête de beauté, le désir brûlant - progressivement apaisé dans la fraîcheur qui s’écoule de la toile - d’atteindre l’harmonie, la sérénité
quoi, mieux que des visages, peut émerger de la profusion de leur matrice ?
tension des traits, regards lancés, belle assise des présences, ferme ancrage des attentes et des doutes et cette unique main, commune à tous, déliée, attentive…
sept visages, quatre en ligne de surplomb, trois dans le jaillissement rythmique ascendant, une quête pour chacun, même dynamique pour tous : l’élan à vivre
il n’est pas indifférent - prémonition, hasard, nécessité … - qu’aussi nous étions sept (adultes quatre, enfants trois) en cette liesse atlantique
jaillie du mur, la toile y replonge : incessant flux / reflux de présence-rémanence qu’elle instille et ordonne
point focal de la petite maison bleue, son aptitude à cueillir et relancer la vie aux franges d’océan
cette pénombre à moiteur d’été, iode juvénile et abandon léger, lui va si bien, dévoile mieux ses nuances qu’une flaque éblouie
en cette pulsion bleue, se révèlent mieux la complexité des gris d’océan, les nuances multiples de l’âme
il ne s’agit pas tant d’apprendre à vivre avec elle que de la rejoindre, horizon de ferveurs et de soifs profondes,
synthèse de gestes de couleurs, elle interpelle notre finitude, la repousse un peu
borne nécessaire, en soi, de chemins inachevés
Paul Badin, extraits de Aspects riants (inédit).
Bio-bibliographie de Paul Badin
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