Nous avons droit à un autre personnage tiraillé par la religion ultra-orthodoxe et j’ai nommé le lieutenant de la Sureté du Québec, Mathis Blaustein. Celui-ci est homosexuel, il a donc été éjecté de sa famille hassidique dès que son inclination s’est affirmée. Heureusement pour lui, son histoire d’amour avec un professeur de vocation a tenu son cœur au chaud. On retrouve donc un être assez équilibré pour tenir la fonction exigeante et prestigieuse de lieutenant de la Sureté du Québec. Peut-être que son équilibre tient de cette relation secrète avec sa mère qui, elle, ne l’a pas renié.
Mathis Blaustein est accaparé par une enquête assez spéciale; un ingénieur est retrouvé sans vie avec maintes pustules dégoulinantes sur la peau. La question demeure entière : a-t-il été empoisonné ou est-ce la conséquence de recherches sur les pesticides ? L’enquête est laborieuse et se mène simultanément à la quête d’une femme, Marion, notaire de profession qui tente d’échapper à certaines conséquences de ses actes. Assez rapidement, on verra que des ramifications de l’histoire de Marion s’étendent jusqu’à l’histoire de famille du lieutenant. Plusieurs chassés croisés, plusieurs relations, un aller-retour en Allemagne pour débusquer des vérités, l’histoire est touffue et, parfois, un peu brouillonne.
Il est clair que l’auteure prend soin de son lecteur, qu’il ne s’ennuie jamais et qu’il en ait pour sa grosse dent. L’histoire est originale et ancrée dans la réalité des Juifs hassidiques, donc ma curiosité a été assouvie une fois de plus. La pluralité de personnages forts dilue le caractère de Mathis dont j’ai eu peine à saisir la profondeur. J’aurais apprécié un peu plus d’intimité avec lui, pour une fois qu’un être aussi hors norme se présente à moi. Il m’a un peu échappé, n’ayant cesse de me demander comment il a pu être rejeté comme un vieux chiffon, baigné dans une religion aussi rigide et en garder si peu de séquelles. Je pense que j’ai attendu jusqu’à la fin de sentir les effluves de sa vulnérabilité.
Un roman qui nous tient en haleine mais qui me semble aurait gagné en clarté par un resserrement de l’intrigue principale afin que cette ligne conductrice ne se dilue pas les nombreuses ramifications de l’histoire. Ceci dit, le mystère entourant l’adresse « 160 rue St-Viateur ouest » est des plus singuliers et renforce la pertinence du titre.
Si vous aimez les romans généreux qui mènent plusieurs intrigues dans le milieu hassidique en plein cœur du Mile-End, n’hésitez pas une seconde ; soyez preneur.
160 rue Saint-Viateur ouest
Magali Sauves
Éditions Mémoire d'Encrier
312 pages - Sorti avril 2018