L’exposition Renault, l’art de la collection accrochée aux cimaises de la Fondation Clément du 9 décembre au 17 mars prochain présente deux oeuvres d’Alechinsky.
Né à Bruxelles, le 19 octobre 1927, Pierre Alechinsky devient membre du groupe COBRA. Sa pratique artistique est marquée par l’expérimentation, la liberté du geste, le refus des conventions et le décloisonnement des genres. Il s’ouvre à des influences multiples surréalisme, expressionnisme, art naïf, imagerie populaire, dessins d’enfants et d’aliénés. Avec son tableau Central Park (1964), il inaugure les remarques marginales. De très nombreuses lithographies sur papier Arches ou papier Japon reprennent le motif de Central park.
Pierre Alechinsky
Central Park
L’expression remarques marginales , employée par les typographes désigne les corrections apposées dans les marges.
Voilà le principe des remarques marginales d’Alechinsky : une image centrale est encadrée par une série de vignettes réparties sur les quatre côtés de cette image. Inspirées par la bande dessinée et les arts de la gravure, ces vignettes complètent ou commentent la représentation centrale à la manière d’une écriture. Il se crée des rapports entre les deux strates picturales .
Les remarques marginales peuvent être
soit la représentation du dessin central vu sous un angle différent (transposition du thème),
soit une déclinaison nouvelle de cette représentation principale (variation sur le thème),
soit encore l’apport d’une donnée iconographique inédite qui oriente et enrichit le sens de la figure centrale (contrepoint de thèmes).
C’est un dialogue complexe entre le centre et les confins, une dialectique entre la vision centrale et la vision périphérique. L’interaction entre les deux zones est à la fois énigmatique et fascinante.
Il existe un équilibre subtil entre la spontanéité du geste pictural développé dans la partie intérieure et les dessins marginaux. L’image principale est de taille nettement plus importante et les rapports qu’elle entretient avec celles des marges varient.
Les marges développent une calligraphie personnelle ou des graffitis, se nourrissent de l’image principale mais restent indéchiffrables.
Ces petites images, saynètes faites à l’encre, forment un contrepoint au noyau central peint à l’acrylique, introduisent une dualité entre l’espace global et l’espace séquentiel.
Est-ce qu’Alechinsky recherche une fusion entre les deux registres, peinture-écriture, figural-scriptural? A l’entendre on pourrait le croire: Il dit en effet En peinture dans le texte ou encore Le dessin , c’est de l’écriture dénouée et renouée autrement.
Les oeuvres successives montrent bien que les relations entre le centre et la périphérie changent:
Pierre Alechinsky
Central Park 1965
Dans Central Park (1964) ou Accessoires mythologiques (1968), les remarques marginales sont en noir et blanc en opposition avec l’image centrale en couleurs. Elles semblent un écho en négatif de l’image centrale et jouent sur la répétition et le dédoublement de l’image du centre.
Alechinsky
Le goût du gouffre 2008
Avec Le Goût du gouffre (1980-1982), les signes des marges sont arbitraires, abstraits, sans analogie avec l’image centrale
Alechinsky
La mer noire 2008
Dans La Mer Noire (1988-1990), c’est l’image centrale qui est en noir et blanc alors que les marges sont en couleurs. Les signes semblent alors avoir un rôle secondaire par rapport à l’image. D’après Alechinsky, la bordure serait un sas de décompression entre le monde du dehors et la peinture, une espèce de clôture, de frontière qui défend le monde pictural et le protège du monde extérieur
Alechinsky
Le tour du sujet 1968
Le tour du sujet (1967) présente une fragmentation de l’image centrale et une forte dualité entre centre et marges
Alechinsky
Astre et désastre 1969
Astre et désastres (1969) inaugure une nouvelle disposition : les vignettes sont en bas du tableau et non autour comme un cadre. Elles reprennent des fragments de l’image centrale
Alechinsky Passerelle 1986
Dans Passerelle (1983,) l’image centrale est séparée en vignettes alors que celles du cadre répètent des éléments de l’image centrale.
Maintenant, à vous de tenter d’analyser et de commenter Roue d’Herbe et Escalator, créées vingt ans après l’apparition du procédé pictural des remarques marginales. La partie centrale adopte des tonalités de gris tandis que les marges sont abstraites en couleurs. Les images du centre font référence au mouvement.
Alechinsky
Roue d’herbe 1983
Collection Renault
Alechinsky
Escalator 1983
Collection Renault