traversé de maléfiques montagnes.
Sommeil – qu’est-ce,
est-ce une danse de trolls,
des coeurs arrachés d’eux-mêmes
qui sombrèrent dans les marécages de l’angoisse.
Ami, j’ai toujours veillé
même quand j’ai dormi.
Toujours, même dans le rêve,
l’ouverture fut ma loi.
J’ai bu des myriades de visions,
sans défense – voyant tout.
J’ai vu ma mère dans la pièce,
pauvre, simple, lasse.
Et derrière, derrière elle
les respirations éternelles
des mères qui soufflèrent sur moi
à travers l’odeur de la nuit.
J’ai vu mon père dans la pièce,
sage, mais aussi dur.
Et derrière lui
une houle
d’hommes aux armes dressées,
des assassins, eux-mêmes couverts de blessures.
J’ai vu ma soeur
autour de moi, et mon frère prodigue.
(Et derrière eux tous les Étrangers –)
Ma solitude au-delà des mots
trouva son reflet en eux.
J’ai vu mon amie,
l’unique, je l’ai vue
partir pour la mort.
Et depuis, les arbres sont en deuil,
et depuis, la Mort a tiré
mon corps, mon âme, ma voix
dans l’océan du désespoir !
*
Jeg har våket
Jeg så min venninne , den eneste ,
Jeg så henne gå for å dø .
Og siden har trærne sørget ,
og siden har Døden trukket
min kropp og sjel og stemme ,
ut i fortvilelsens sjø !
(…)
***
Gunvor Hofmo (1921– 1995) – I en våkenatt (Gyldendal, 1954) – Tout de la nuit est sans nom (Rafaël de Surtis, 2009) – Traduit du norvégien par Pierre Grouix et Grete Kleppen.
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