Il n’est peut-être pas trop tard pour donner à l’Europe le visage d’une puissance stratégiquement unie. Face à l’exigence de protéger notre unicité productive contre les impérialismes étrangers, la France et l’Italie pourraient jouer un rôle clé dans la mise en commun d’un projet européen : l’axe Latin. Mercredi 28 novembre, le fondateur de l’Ecole de guerre économique, C. Harbulot, a rencontré le président de l’Institut des Hautes Études Stratégiques et Politiques (IASSP) de Milan, I. Rizzi, ainsi que de nombreux chefs d’entreprise italiens. La fragmentation de l’Europe en petits États voisins, communicants, mais aux intérêts économiques divergents n’est pas une fatalité. Il est nécessaire d’inventer un nouveau modèle (inclusif) rendant possible l’existence d’un projet d’intelligence collective, tout en tenant compte des spécificités économiques et culturelles des différents pays. Le colloque qui a eu lieu à Milan, au siège de l’Institut des Hautes Études Stratégiques et Politiques (IASSP), le mercredi 28 novembre, portait précisément sur ce thème. « Il faut partir de la richesse de nos pays pour créer une nouvelle aristocratie européenne, qui ne soit plus financière mais morale », a précisé le président et fondateur de l’IASSP, Ivan Rizzi, également convaincu avec André Malraux que « l’Europe du XXI siècle soit sera spirituelle, soit ne sera pas ».
L’axe Latin, ou l’idée d’une convergence européenne
A la réunion étaient présents plusieurs chefs d’entreprise italiens et le directeur et fondateur de l’Ecole de Guerre Economique de Paris (EGE) Christian Harbulot. Une participation significative, qui démontre la volonté réciproque d’un dialogue et le partage d’un projet. Quel projet ? À cet égard, le fondateur de l’Ecole de Guerre Économique a été très clair : « Aujourd’hui, je suis parmi vous car je crois fermement que l’Europe doit se repenser en termes de dépassement de nos barrières mentales traditionnelles, a déclaré C. Harbulot. « Il y a quelques années, l’ambassadeur d’Uruguay auprès de l’UNESCO m’avait parlé de la possibilité d’un axe Latin, c’est-à-dire d’un réseau profond rassemblant les valeurs de l’Amérique latine et de l’Europe. C’est une idée novatrice, intrigante, qui reste toutefois encore inexplorée « . Convergence économique, certes, mais pas que. L’Axe Latin signifie également le partage d’un projet éducatif, culturel et spirituel. Nous vivons dans un monde dominé par des logiques de puissance, où l’impérialisme digital et économique de la Chine, de la Russie et des Etats-Unis nous oblige à mettre en place des nouveaux outils de défense stratégique. Face à ce scénario, l’Europe ne peut plus se contenter de la logique de « petite politique » qui a dominé tout au long du XX siècle. Pour C. Harbulot, l’axe Latin pourrait représenter une réponse à cette exigence.
“Il reste aujourd’hui en Europe un créneau libre : le digital”, C.Harbulot
Un projet culturel et spirituel n’est réalisable qu’à travers des objectifs concrets. « Il y a un créneau qui est aujourd’hui libre en Europe, à savoir le digital « , explique Harbulot devant un public composé d’entrepreneurs et d’hommes d’affaires italiens. “J’envisage la possibilité de la construction d’écoles de guerre digitale dans les pays d’Europe. Il s’agit d’un premier pas nécessaire afin de faire face aux menaces auxquelles nos pays et nos entreprises sont aujourd’hui exposées”. Si l’Europe, y compris la France, ne dispose pas à présent de stratégies suffisamment développées en termes de guerre digitale, il y a en revanche des ressources humaines et un capital technologique suffisants pour faire en sorte que les entreprises ne deviennent pas des simples victimes des politiques agressives de puissances étrangères.
Le défi auquel l’Europe doit faire face est à la fois géopolitique, stratégique, économique et, non moins important, culturel. Au début des années 2000, lors de la conférence de Lisbonne, l’Europe s’est fixé un objectif qui n’a jamais été atteint : la création de la première économie de la connaissance mondiale. « Nous sommes aujourd’hui confrontés à un nouveau défi : empêcher le travail, hélas déjà entamé, de colonisation numérique”, prévient encore C. Harbulot. Peut-être est-il trop tôt (ou trop tard) pour imaginer une convergence économique totale entre les pays européens, les États membres ayant souvent des histoires et des cultures profondément différentes. “En revanche, on peut envisager une solidarité très puissante au niveau du digital. Cette solidarité ne peut exister qu’avec le soutien du monde des entreprises, tant italiennes que françaises. Mon souhait est que cette rencontre soit le premier pas pour aller, ensemble, dans cette direction”, a conclu C. Harbulot devant un public de plus en plus intrigué.
M.E. Gottarelli
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