Nous avions déjà évoqué cette grande voyageuse qu'est Ella Maillart à travers un livre autobiographique dans lequel elle disait... ce qu'elle voulait bien dire, la dame n'étant pas forcément loquace sur les raisons profondes qui la poussèrent à parcourir le monde. Par la suite, j'ai écouté une passionnante émission sur l'aventurière suisse qu'évoquait l'écrivain et reporter Olivier Weber. Le temps d'un bivouac radiophonique, il nous entraînait sur les traces d'Ella Maillart qu'il avait lui-même suivies, de la Suisse à l'Afghanistan en passant par différents ports et autres déserts. En faisant ma vaisselle ce jour-là, je me suis dit qu'il fallait absolument que je mette la main (après l'avoir séchée) sur le livre en question. Car je pressentais qu'il ne s'agissait pas d'une simple biographie dont l'auteur aurait été vérifier les sources sur le terrain, mais plutôt d'une histoire en miroir, d'une folle quête de l'héroïne et, à travers elle, de soi. En fait, la quête de tous les voyageurs : qu'est-ce qu'on fout là ? Cette question lancinante fonctionne comme un ancrage, un leitmotiv fataliste pour qui ne se reconnaît plus dans le monde dans lequel il vit. A la veille de la deuxième guerre mondiale, Ella sent bien que quelque chose lui échappe, que la société européenne part à la dérive et, au lieu de combattre, de s'interroger, elle va voir ailleurs. Non pas pour fuir, car le fuyard revient une fois le péril évanoui. Non pas pour voir si l'herbe est plus verte ailleurs : elle aime son Lac Léman et ses cimes alpines. Plutôt, pour se reconnecter avec quelque chose de profond, pour retisser un lien qui aurait été rompu. Peu importe que l'autre bout du fil se situe à l'autre bout du monde. Peu importe qu'il s'agisse de terres hostiles peuplées, si peu, par des peuples nomades dont elle ne connaît pas les us et coutumes. Qu'est-ce qu'on fout là, c'est se questionner sur sa propre présence au monde, sur le hasard qui nous fait naître ici ou ailleurs et sur la possibilité de rencontrer une terre où l'on se sent soi, où les portes du possible sont ouvertes. Bien évidemment, pour Ella Maillart comme pour d'autres, la course est perpétuelle et la pause une perte de temps. Un retour au pays une incongruité puisque les réponses ne se situent pas là. Quoique, peut-être bien que si. A la fin de sa vie, l'aventurière retrouve sa terre natale et s'établit dans le village de Chandolin, avec une vue imprenable sur ce totem de granit qu'est le Cervin. Là, elle comprend que tout est là, tout le temps, en fait : à l'intérieur d'elle-même. Après tous ces voyages, la destination finale, c'est ce coin de Suisse où elle pose ses valises, celles, matérielles, de ses déplacements, et celles de l'âme. Elle a enfin (peut-être, car en est-on jamais sûr) atteint la plénitude. Et Olivier Weber de tenter de trouver la clé du mystère Maillart, sur des bateaux ballotés dans la tempête, dans les steppes, dans un ashram en Inde, en Afghanistan et finalement à Chandolin. Qu'est-ce qu'on fout là ? Ella Maillart reste imperturbable et ne lui livrera jamais complètement la clé de l'énigme. Alors, comme tant d'autres, sommes-nous condamnés à errer de part et d'autre de la planète, à la recherche d'une réponse à nos angoisses existentielles. Un livre passionnant, total, à la fois géographique, philosophique et humain, brut, entier.
Olivier Weber, Je suis de nulle part. Sur les traces d'Ella Maillart, 2003.
Nous avions déjà évoqué cette grande voyageuse qu'est Ella Maillart à travers un livre autobiographique dans lequel elle disait... ce qu'elle voulait bien dire, la dame n'étant pas forcément loquace sur les raisons profondes qui la poussèrent à parcourir le monde. Par la suite, j'ai écouté une passionnante émission sur l'aventurière suisse qu'évoquait l'écrivain et reporter Olivier Weber. Le temps d'un bivouac radiophonique, il nous entraînait sur les traces d'Ella Maillart qu'il avait lui-même suivies, de la Suisse à l'Afghanistan en passant par différents ports et autres déserts. En faisant ma vaisselle ce jour-là, je me suis dit qu'il fallait absolument que je mette la main (après l'avoir séchée) sur le livre en question. Car je pressentais qu'il ne s'agissait pas d'une simple biographie dont l'auteur aurait été vérifier les sources sur le terrain, mais plutôt d'une histoire en miroir, d'une folle quête de l'héroïne et, à travers elle, de soi. En fait, la quête de tous les voyageurs : qu'est-ce qu'on fout là ? Cette question lancinante fonctionne comme un ancrage, un leitmotiv fataliste pour qui ne se reconnaît plus dans le monde dans lequel il vit. A la veille de la deuxième guerre mondiale, Ella sent bien que quelque chose lui échappe, que la société européenne part à la dérive et, au lieu de combattre, de s'interroger, elle va voir ailleurs. Non pas pour fuir, car le fuyard revient une fois le péril évanoui. Non pas pour voir si l'herbe est plus verte ailleurs : elle aime son Lac Léman et ses cimes alpines. Plutôt, pour se reconnecter avec quelque chose de profond, pour retisser un lien qui aurait été rompu. Peu importe que l'autre bout du fil se situe à l'autre bout du monde. Peu importe qu'il s'agisse de terres hostiles peuplées, si peu, par des peuples nomades dont elle ne connaît pas les us et coutumes. Qu'est-ce qu'on fout là, c'est se questionner sur sa propre présence au monde, sur le hasard qui nous fait naître ici ou ailleurs et sur la possibilité de rencontrer une terre où l'on se sent soi, où les portes du possible sont ouvertes. Bien évidemment, pour Ella Maillart comme pour d'autres, la course est perpétuelle et la pause une perte de temps. Un retour au pays une incongruité puisque les réponses ne se situent pas là. Quoique, peut-être bien que si. A la fin de sa vie, l'aventurière retrouve sa terre natale et s'établit dans le village de Chandolin, avec une vue imprenable sur ce totem de granit qu'est le Cervin. Là, elle comprend que tout est là, tout le temps, en fait : à l'intérieur d'elle-même. Après tous ces voyages, la destination finale, c'est ce coin de Suisse où elle pose ses valises, celles, matérielles, de ses déplacements, et celles de l'âme. Elle a enfin (peut-être, car en est-on jamais sûr) atteint la plénitude. Et Olivier Weber de tenter de trouver la clé du mystère Maillart, sur des bateaux ballotés dans la tempête, dans les steppes, dans un ashram en Inde, en Afghanistan et finalement à Chandolin. Qu'est-ce qu'on fout là ? Ella Maillart reste imperturbable et ne lui livrera jamais complètement la clé de l'énigme. Alors, comme tant d'autres, sommes-nous condamnés à errer de part et d'autre de la planète, à la recherche d'une réponse à nos angoisses existentielles. Un livre passionnant, total, à la fois géographique, philosophique et humain, brut, entier.
Nous avions déjà évoqué cette grande voyageuse qu'est Ella Maillart à travers un livre autobiographique dans lequel elle disait... ce qu'elle voulait bien dire, la dame n'étant pas forcément loquace sur les raisons profondes qui la poussèrent à parcourir le monde. Par la suite, j'ai écouté une passionnante émission sur l'aventurière suisse qu'évoquait l'écrivain et reporter Olivier Weber. Le temps d'un bivouac radiophonique, il nous entraînait sur les traces d'Ella Maillart qu'il avait lui-même suivies, de la Suisse à l'Afghanistan en passant par différents ports et autres déserts. En faisant ma vaisselle ce jour-là, je me suis dit qu'il fallait absolument que je mette la main (après l'avoir séchée) sur le livre en question. Car je pressentais qu'il ne s'agissait pas d'une simple biographie dont l'auteur aurait été vérifier les sources sur le terrain, mais plutôt d'une histoire en miroir, d'une folle quête de l'héroïne et, à travers elle, de soi. En fait, la quête de tous les voyageurs : qu'est-ce qu'on fout là ? Cette question lancinante fonctionne comme un ancrage, un leitmotiv fataliste pour qui ne se reconnaît plus dans le monde dans lequel il vit. A la veille de la deuxième guerre mondiale, Ella sent bien que quelque chose lui échappe, que la société européenne part à la dérive et, au lieu de combattre, de s'interroger, elle va voir ailleurs. Non pas pour fuir, car le fuyard revient une fois le péril évanoui. Non pas pour voir si l'herbe est plus verte ailleurs : elle aime son Lac Léman et ses cimes alpines. Plutôt, pour se reconnecter avec quelque chose de profond, pour retisser un lien qui aurait été rompu. Peu importe que l'autre bout du fil se situe à l'autre bout du monde. Peu importe qu'il s'agisse de terres hostiles peuplées, si peu, par des peuples nomades dont elle ne connaît pas les us et coutumes. Qu'est-ce qu'on fout là, c'est se questionner sur sa propre présence au monde, sur le hasard qui nous fait naître ici ou ailleurs et sur la possibilité de rencontrer une terre où l'on se sent soi, où les portes du possible sont ouvertes. Bien évidemment, pour Ella Maillart comme pour d'autres, la course est perpétuelle et la pause une perte de temps. Un retour au pays une incongruité puisque les réponses ne se situent pas là. Quoique, peut-être bien que si. A la fin de sa vie, l'aventurière retrouve sa terre natale et s'établit dans le village de Chandolin, avec une vue imprenable sur ce totem de granit qu'est le Cervin. Là, elle comprend que tout est là, tout le temps, en fait : à l'intérieur d'elle-même. Après tous ces voyages, la destination finale, c'est ce coin de Suisse où elle pose ses valises, celles, matérielles, de ses déplacements, et celles de l'âme. Elle a enfin (peut-être, car en est-on jamais sûr) atteint la plénitude. Et Olivier Weber de tenter de trouver la clé du mystère Maillart, sur des bateaux ballotés dans la tempête, dans les steppes, dans un ashram en Inde, en Afghanistan et finalement à Chandolin. Qu'est-ce qu'on fout là ? Ella Maillart reste imperturbable et ne lui livrera jamais complètement la clé de l'énigme. Alors, comme tant d'autres, sommes-nous condamnés à errer de part et d'autre de la planète, à la recherche d'une réponse à nos angoisses existentielles. Un livre passionnant, total, à la fois géographique, philosophique et humain, brut, entier.