Le 20 novembre dernier, Stéphane Michaka était face aux lecteurs de Babelio pour parler de son dernier roman, La Mémoire des Couleurs, publié chez PKJ. A travers les aventures de Mauve, il pose des questions sur l’utopie, la liberté, l’émancipation et mêle habilement aventure, histoire d’amour, anticipation et philosophie.
Mauve est un adolescent de 15 ans qui se réveille amnésique, au milieu d’une brocante, et qui se rend compte qu’il peut lire dans les pensées des autres, ce qui rapidement, l’épuise. Peu à peu, il recompose son passé : il vient d’une planète lointaine, Circé, dominée par une intelligence artificielle qui a banni l’inconnu, le mystère, le hasard. Dans ce monde, tous les livres ont été brûlés lors d’un autodafé, et le « je » est interdit : c’est une société où tous les habitants se fondent dans la masse et sont contrôlés, seule une infime nuance de couleur les distingue les uns des autres. Mauve s’est révolté, et a été condamné à l’exil, sur la planète Terre. Au cours de son périple, il va découvrir l’humanité, sa beauté, ses faiblesses, sa fragilité…
Dystopie et intelligence artificielle
De nombreuses fois au cours de la discussion, Stéphane Michaka est revenu sur son choix d’écrire une dystopie. La dystopie est un genre très en vogue dans la littérature jeunesse. Elle permet aux adolescents de s’interroger sur l’avenir, et de se questionner sur trois grandes craintes : le pouvoir (avec les dictatures, le totalitarisme, les sociétés hyper normées), les dérives de la technologie et de la science, et les problèmes liés à l’environnement, à travers les descriptions d’une planète hostile dévastée par les catastrophes écologiques. Ces craintes sont bien sûr fondées, et beaucoup de romans contemporains sont le reflet du monde réel. La littérature permet d’ouvrir son esprit à la réflexion, souvent bien plus que les articles alarmistes sur notre futur : « Lorsqu’on lit des articles sur l’intelligence artificielle, on n’en sort pas plus éduqué : on ne sait pas ce que ça va donner, on ne sait pas si ces machines peuvent aller encore plus loin », explique Stéphane Michaka.
La Mémoire des couleurs est un livre très riche, tant du point de vue philosophique que du point de vue moral, il s’intéresse notamment à la place de l’intelligence artificielle dans nos vies. Pour l’écrivain, « l’intelligence artificielle touche notre rapport au sacré : qu’attend-on d’une entité puissante ? Il y a une forme de religion face à ces nouvelles technologies, on ne sait pas dans quel sens elles vont évoluer. Le message de mon livre, c’était finalement d’inciter les adolescents à aller chercher leur liberté dans des univers qui ne sont pas formatés, qui ne sont pas prêts à l’emploi ».
Un message à la jeunesse
La Mémoire des couleurs n’est pas le premier roman jeunesse de Stéphane Michaka, qui trouve que les adolescents sont un lectorat particulièrement intéressant en littérature : « J’aimerais pouvoir écrire des romans pour enfants encore plus jeunes. Pourquoi écrire à des adolescents sinon pour les éveiller à des réalités sans les assombrir ? La lecture donne le goût de l’imaginaire aux jeunes. ».
Stéphane Michaka apporte grâce à ce roman un message humaniste fort à la jeunesse : lors de son exil, Mauve découvre la beauté de l’humanité, et le monde hostile dans lequel il se réveille – qui est le nôtre – au début du roman se transforme en utopie au fur et à mesure de la lecture. « Dans mon roman, on a de prime abord l’impression d’un monde hostile, mais finalement, mon personnage parvient à s’y construire, et cela passe par la chance qu’il a dans ses rencontres avec les autres. Il se construit davantage par ses rencontres que par ses livres. Le message de mon livre tourne aussi autour de ça : l’importance de donner le goût des livres aux jeunes, mais également le goût des autres ».
L’importance des éditeurs
Au cours de la rencontre, Stéphane Michaka a eu plusieurs fois l’occasion de saluer le travail des éditeurs, et de rappeler leur importance en regard de son livre : « Aujourd’hui, il n’y a pas d’autodafés, mais l’immense profusion de livres peut parfois créer un effet similaire : les auteurs peuvent faire le choix de l’autoédition, qui est plus simple, mais cela court-circuite la chaîne du livre ». Il déplore dans ce cas-là, l’absence de re-travail du manuscrit : « Mon livre était beaucoup plus manichéen au départ, c’était très important pour moi d’avoir une sorte de compagnonnage grâce à un éditeur, qui est de fait, mon premier lecteur. », et va même jusqu’à exprimer : « Ce que je crains, c’est que l’on publie de plus en plus, et de façon médiocre, que les auteurs fassent l’économie des éditeurs. »
Et la suite ?
Pour le moment, l’écrivain n’a pas envisagé de suite, La Mémoire des couleurs est un roman qui se suffit à lui-même : « Je n’ai pas conçu mon livre comme une série. ». Stéphane Michaka laissera donc à ses lecteurs la liberté d’imaginer la suite : « J’aime l’idée des fins ouvertes, des fins où on a une idée de commencement pour le héros, idée que l’on retrouvait déjà dans Cité 19 ».