Episode 22 : On y perd son latin...
Laplume fut soulagé par la nouvelle de la libération de Giovanni. Au moins, lui et la mamma allaient être à l'abri. Néanmoins, il ne pouvait s'empêcher de songer au désarroi de cette vieille dame obligée de tout quitter parce qu'une bande de fous ne pouvait supporter les esprits libres. Il passa une partie de son après-midi à visiter quelques appartements. Il dénicha un trois pièces dans un immeuble pas trop vétuste, tout près du marché d'Aligre. La mamma pourrait aller faire ses courses. Il ne doutait pas qu'elle deviendrait rapidement une figure du marché. Il ne doutait pas non plus que le commissaire Genet allait, sans tarder, mettre la main sur le " bon Samaritain " de Duchemin. En revanche, le couple Dutilleul excitait sa curiosité. Il lui apparaissait trop lisse. Le chef de ménage ne lui semblait pas être le mieux portant. Derrière son aspect maladif, madame Dutilleul lui semblait une maitresse femme. Jetant un œil à montre gousset, il se rendit compte qu'il était encore temps de faire un détour par la morgue, située dans l'ile de la Cité. Il escomptait bien pouvoir y rencontrer un médecin capable de lui parler de l'autopsie de Ginette. Depuis une décision du préfet Lépine, le public n'était plus admis à venir reluquer les cadavres allongés sur les tables de marbre noir. Aussi, Laplume trouva un cerbère en travers de la porte. Il fit appeler le docteur Faure, qui s'adressa de suite au gardien.
- Laissez entrer ce monsieur, mon brave, c'est un ami. Venez Emile.
Quand ils furent installés dans son bureau, le toubib sortit une flasque de cognac.
- Vous trinquez avec moi, monsieur Laplume ? Je sors d'un charcutage qui n'avait rien d'appétissant.
Quand ils eurent éclusé leurs godets, le médecin s'adressa au journaliste.
- Alors, monsieur Laplume ? Lequel de mes clients vous intéresse ?
- Ginette Lacroix.
- Vous êtes impatient Emile. J'étais en train de rédiger mon rapport pour le commissaire Genet.
- Je ne doute pas qu'il sera très détaillé, mais j'ai besoin d'un renseignement urgent.
- Je vous écoute.
- Est-ce que cette jeune femme était enceinte ?
- Pas du tout !
- Est-ce qu'elle a subi les charcutages d'une faiseuse d'anges ?
- Non plus, je suis formel. Mais, pourquoi de telles questions, monsieur Laplume ? Cette fille a été victime d'un meurtrier qui connaissait son affaire, pas d'un type qui, sous le coup de la colère, aurait frappé au hasard.
- Il n'y avait pas de sang autour de la victime à l'intérieur du Louvre.
- En effet, excusez les détails crus monsieur Laplume, mais on l'a laissé se vider de son sang avant de la transporter.
- J'ai du mal à imaginer ce qui se passait dans la tête de celui qui a commis cet acte. Il a dû regarder sa victime se vider jusqu'à la dernière goutte.
- J'ai vu parfois pire !
- Vous avez une idée de l'arme utilisée ?
- Difficile à dire ! Toutefois, je peux vous affirmer qu'il s'agit d'un instrument extrêmement acéré.
- Du genre bistouri ?
- Non, je ne crois pas, sûrement un poignard à lame plus large, peut-être recourbée.
- La victime ne s'est pas débattue.
- Non, aucune trace de lutte. La victime était, peut-être inconsciente lorsqu'on l'a égorgée.
- Vous avez des contacts avec des collègues étrangers ?
- Oui, un peu épisodiques, mais quand nous avons des cas exceptionnels, il nous arrive d'échanger.
- Y compris avec vos collègues italiens ?
- Oui.
- Alors, j'aimerais que vous vous renseigniez sur le cas d'un homme retrouvé mort dans l'église Saint-Louis-des-Français à Rome. Il y a pas mal de ressemblances avec l'affaire Ginette Lacroix.
- Vous croyez à une " internationale du crime au poignard oriental ", monsieur Laplume ?
- Je ne crois rien, mais j'aime bien vérifier.
- Comptez sur moi, Emile, je ferai l'impossible.
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