Ouvert depuis 1995 le musée Maillol présente la plus importante collection d’œuvres du sculpteur Aristide Maillol dont on peut voir des statues dans les tout proches jardins des Tuileries. Ce sont des femmes qui semblent généreuses et si je puis dire bien en chair.
Rien à voir apparemment vécu les silhouettes longilignes que Giacometti a faites à partir de 1947. Et pourtant si. Comme le démontre l’évolution du travail de ce sculpteur au fil d’une exposition chronologique.
Il est tout à fait d'actualité de la présenter maintenant car elle est prolongée jusqu'au 3 février et que donc le public pourra la visiter pendant les vacances de fin d'année, adultes comme enfants parce qu'elle est plutôt facile d'accès, et ouverte sept jours sur sept, ce qui est rare.
L'exposition a été conçue en collaboration avec la Fondation Giacometti, Paris. L'enjeu consistait à mettre en regard plus de cinquante sculptures de l'artiste suisse Alberto Giacometti avec près de vingt-cinq œuvres d’autres artistes majeurs tels que Rodin, Bourdelle, Maillol, Despiau, mais aussi Brancusi, Laurens, Lipchitz, Zadkine, Csaky ou encore Richier.
Le titre de l'exposition, entre tradition et avant-garde, se justifie par la relecture de l'œuvre du sculpteur en la confrontant avec les grands sculpteurs classiques et les modernes de son époque. Le parcours propose un éclairage nouveau sur la période méconnue d’avant-guerre : ses œuvres de jeunesse, encore empreintes de modernité classique (Despiau, Maillol) et sa rencontre avec les avant-gardes parisiennes après 1925 (Zadkine, Lipchitz, Csaky).
Alberto Giacometti est connu comme sculpteur mais il a aussi été peintre et créateur d’objets d’art décoratif. C’est néanmoins en tant que sculpteur que l’on a traité l’exposition en considérant l’originalité de sa position entre modernité et tradition. Lui même disait qu’il avait été successivement exotique, surréaliste, abstrait ...
Sa formation et son éducation le placent dans la tradition mais il va vite entrer dans l’avant-garde et même dans les rangs du cubisme et du surréalisme, tout en continuant à s’interroger en tant que sculpteur. Contrairement à d’autres comme Picasso il n’assemblera pas des objets trouvés mais des formes qu’il a lui-même crées. Ce qui ne l’empêchera pas d’apprécier Maillol en pleine période surréaliste (d'où la présence de cetteTête de femme, non daté, terre cuite d'Aristide Maillol, qui dialogue avec la Tête (grande tête de la mère) 1918-1925, plâtre d'Alberto Giacometti.
L’exposition s’est concentrée sur ses oeuvres en plâtre qui ont été rarement montrées jusqu’à présent. En effet la fondation Giacometti n’a que quinze ans et il a fallu d’abord entreprendre un important travail de restauration.
Le sculpteur aimait la blancheur du plâtre, il aimait le peindre, et le travaillait comme de la pierre, intervenant à de nombreuses reprises avec un petit canif. Il s’attachait à rendre le caractère torturé des visages. C’était un artiste qui valorisait le doute et qui n’était pas rebuté par l’échec. On peut même considérer que c’était son carburant. Il disait : Je retourne à mon atelier émerveillé, pour faire mieux. C’est un expérimenteur, perpétuellement en recherche. Il est très cultivé, se rend très souvent au Louvre, se plonge dans des livres, étudie l’histoire de l’art.
En 1935, alors qu’il est déjà célèbre dans le mouvement surréaliste (créé déjà depuis longtemps) il décide de revenir à une pratique d’atelier et à sculpter de nouveau d’après modèle mais sans travailler pour autant comme au XIXeme siècle. Il opère ainsi un retour sur sa propre trajectoire en s’engageant dans la représentation en se posant la question de la tête, de la sculpture en pied et de la place du socle ainsi que de sa fonction.
La salle des têtes évoque ce retour à la figuration alors qu’il avait commencé cela quand il était ado. Il pense alors que c’est l’affaire de quinze jours, ça lui prendra toute sa vie. Il a détruit beaucoup de ses œuvres. Aussi bien en sculpture qu’en peinture. Il repeignait souvent par dessus.
Giacometti ne sculpte qu’un motif, humain, même s’il peut parfois se restreindre à quelques parties du corps. Il n’a que très peu de modèles, surtout Diego et Annette, quelques amis (Beauvoir, Noailles) très rarement des modèles professionnels.
Alberto Giacometti, Femme debout (Poseuse II), vers 1954, plâtre
C’est un homme qui tient à sa liberté. Il ne veut pas juger ni être jugé. Il quitta donc le mouvement avant gardiste, et accepte de perdre ses collectionneurs et de période de pauvreté. C’était un artiste qui n’a rien sacrifié aux honneurs et à l’argent. Il n’a jamais voulu abandonner son atelier de la rue Hyppolite Maindron même quand la toiture prenait la pluie. Il allait très souvent au Louvre voir les œuvres d’autres sculpteurs. Il dormait très peu, travaillait sans relâche en s'acharnant à explorer les extrêmes : la sculpture plate, sans socle, ou au contraire minuscule sur un socle démesuré.
Chaque muscle de cette sculpture est bombé. Quel contraste avec, juste en face, cet "homme qui marche" de Giacometti, immense. On remarque que l’artiste leur donna à tous le même nom, y compris à la première de ce qu’on peut considérer comme une série, qui était ... une femme.
Giacometti, entre tradition et avant-gardeDepuis le 14 septembre 2018 et jusqu'au 3 février 2019Musée Maillol - Fondation Dina Vierny
61 rue de Grenelle - 75007 Paris
Tous les jours 10 h 30 à 18 h 30
Commissariat : Catherine Grenier, commissaire générale, Conservatrice du patrimoine et Directrice de la Fondation, et Thierry Pautot, commissaire associé, historien de l'art et Responsable de la recherche à la Fondation Giacometti