Avec plus de 680 000 utilisateurs, on en croise du monde sur Babelio. Pour que la communauté demeure, malgré son ampleur, un endroit convivial où l’échange est roi, nous avons décidé de vous donner la parole. Et puisque Noël approche à grands pas, ce mois-ci les beaux-livres sont à l’honneur, à travers la bibliothèque très fournie de notre lectrice du mois. Si pour vous la forme et le fond vont de pair, si vous avez rêvé durant des heures en lisant des livres richement illustrés, ou si vous cherchez encore ce que vous allez offrir sous le sapin, voici une interview qui devrait vous plaire.
Rencontre avec Alzie, inscrite depuis le 16 octobre 2013.
Comment êtes-vous arrivée sur Babelio ?
Une de mes sœurs m’a fait connaître le site il y a cinq ans au temps du Babelio old school et de son forum. Depuis j’y suis fidèle avec quelques éclipses de temps en temps. Babelio est un lieu de curiosités livresques multiples, les goûts et les couleurs les plus divers s’y mélangent, ce n’est pas si mal ; chacun y fait ses emplettes (listes) ou circule comme il veut, on s’y amuse aussi (je pense aux quiz)…
Quel(s) genre(s) contient votre bibliothèque ?
Ma bibliothèque a évolué au fil du temps, au gré de mes nombreux déménagements. J’ai dû parfois me séparer de certains livres, j’en ai acquis de nouveaux avec toujours auprès de moi quelques compagnons essentiels (Marcel Proust, Stendhal, Milan Kundera). Pour ce qui touche à la littérature, sont majoritairement représentés les romanciers et nouvellistes français et européens, russes, nord-américains des XIXe, XXe et XXIe siècles, un peu les poètes. A côté de ces incontournables mes étagères accueillent aussi des essais, quelques textes philosophiques, des récits de voyages ou d’aventures, beaucoup de livres appartenant à tous les domaines de l’histoire de l’art et des arts déco (architecture, peinture, sculpture, dessin, design, etc.), des catalogues d’expositions, des monographies d’artistes. L’histoire du livre qui me passionne depuis longtemps, la reliure et l’histoire de l’estampe que j’ai étudiées sont en bonne place.
Grâce à Babelio les romans prenant l’œuvre d’art ou la création artistique pour sujet s’ajoutent maintenant au reste. Bandes dessinées, bouquins chinés ici et là sur des marchés aux livres, au marché Georges Brassens ou sur les quais à Paris, dictionnaires, atlas et encyclopédies diverses et bizarres, quelques collections ont aussi leurs coins dans cet ensemble en perpétuel remaniement.
Vous semblez avoir une attirance particulière pour les beaux-livres et autres livres d’art, assez largement représentés dans votre bibliothèque. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Beaucoup de livres d’art, oui. Beaux-livres souvent. Je garde des souvenirs précis d’émois d’enfance pour des reproductions de gravures (Gustave Doré) ou de pages aquarellées dans des beaux-livres illustrés. L’association image/texte qui est le propre de la plupart des livres d’art m’est restée presque nécessaire. C’est une puissante source d’évasion, de rêverie, de réconfort, de beauté tout simplement. J’aime le tumulte de l’art.
Noël est un moment clé pour ce type de livres et les éditeurs d’art savent en tirer parti. Il faut juste choisir (Hazan, Taschen, Somogy, Diane de Selliers, Faton, Les Belles Lettres, Bnf, Gallimard, Rmn éditions, etc). Je n’avais pas su résister l’année dernière aux illustrations d’Alvim Corrêa pour la Guerre des mondes de H.G. Wells (Omnibus), cette année c’est le livre de Michel Pastoureau qui a mes faveurs : Le Loup : une histoire culturelle ! Approche historique et transversale très imagée d’une figure animalière qui me renvoie explicitement à des livres précocement aimés.
Les beaux-livres ont malheureusement la réputation d’être plus décoratifs qu’autre chose, finalement plus souvent déplacés de la table-basse à la bibliothèque que lus. Quel usage faites-vous de ce type d’ouvrages : vous les picorez, ou bien les dévorez du début à la fin ?
Quoi de plus mortel que ces visions de beaux-livres disposés sur un bout de canapé pour faire « joli » ! Je suis personnellement le genre de lectrice à ne jamais les laisser tranquilles. Dans un souci de conservation « l’armoire de grand-mère » a été la solution trouvée à leurs formats disparates et plutôt grands. J’aime m’immerger, depuis mes études, dans ce type de livres. Je les lis d’un bout à l’autre et de fond en comble pour ce qu’ils sont le plus souvent : des sources documentaires textuelles et iconographiques infinies (dans le cas par exemple des meilleurs catalogues d’expos).
Comme tout m’intéresse dans les arts : les techniques autant que les débats qu’ils soulèvent, je suis une bonne cible pour les éditeurs de beaux-livres ! La lecture de ces livres est chronophage mais ne me déçoit que rarement. L’originalité et la nouveauté d’un sujet traité, le désir d’en approfondir un autre, le plaisir d’une recherche, la curiosité pour un artiste, un tableau, une visite d’expo etc., orientent mes choix. L’expérience me guide aussi : si la connaissance des auteurs est une aide, la lecture attentive des sommaires en est une autre. Bref si j’emprunte ou achète un livre d’art ou ce que l’on appelle un beau-livre c’est pour le lire, pas forcément immédiatement et, en supposant que je ne le fasse pas et que sa contemplation me suffise, je n’y vois aucun problème.
Etes-vous également amatrice de livres rares ?
Je ne recherche pas particulièrement les livres rares mais par goût des arts décoratifs j’acquiers quand je peux, pour le plaisir, un de ces petits cartonnages NRF (couverts de reliures souples aux décors exécutés par deux artistes actifs au XXe siècle, Paul Bonet et Mario Prassinos), produits par Gallimard, entre 1941 et 1967, reprenant de nombreux titres de leur catalogue de classiques de la littérature mondiale. Cette année, le même éditeur honore Guillaume Apollinaire et publie avec la Bnf, en coffret, un fac simile d’Alcools comportant les illustrations, très rares, de Louis Marcoussis pour cette œuvre. Le cadeau de Noël royal pour ceux qui aiment la poésie.
Quel est le livre dont vous ne vous sépareriez pour rien au monde ?
La trilogie Nos ancêtres d’Italo Calvino (Le Vicomte pourfendu, Le Baron perché, Le Chevalier inexistant).
Quelle est votre première grande découverte littéraire ?
Difficile de nommer ma première grande découverte littéraire. Je ne sais trop quoi répondre tant la formule prête à discussion. Je sais dater mon premier grand plaisir de lecture, c’est plus facile, avec les albums de Tintin. Les aventures du reporter à la houppette sont aussi parmi les premières à m’avoir rivée à des pages écrites et colorées. J’ai souvent pensé qu’Hergé m’avait enseigné la lecture : ce repli salutaire qui ouvre sur le monde. Je me suis retrouvée dans le livre de Michel Serres Hergé mon ami, un très beau livre.
Quel est le plus beau livre que vous ayez découvert sur Babelio ?
Les Trois Bergers : du conte perdu au mythe retrouvé, pour une anthropologie de l’art rupestre sahariende Michel Barbaza. L’accès à un art que je méconnaissais et à une culture néolithique saharienne dont j’ignorais tout, reçu dans le cadre d’une opération Masse Critique en 2015.
Quel est le livre que vous avez relu le plus souvent ?
Je relis souvent Milan Kundera mais ces derniers temps c’est La Place de l’Etoile (Patrick Modiano) que j’ai relu plusieurs fois, je ne sais pas pourquoi, j’y cherche quelque chose. Mais quoi ?
Quel livre avez-vous honte de n’avoir pas lu ?
Il y en a trop. Je voudrais lire plus certains auteurs sud-américains ou asiatiques. Pour la France, je crois être passée à côté de Gustave Flaubert à ma grande honte !
Noël approche. J’ai envie de parler d’un livre en rapport avec ce moment particulier de l’année où l’hiver arrive : Histoire de Tönle de Mario Rigoni Stern. Une histoire rude entre Tyrol et Dolomites, en rapport également avec une période funèbre de l’histoire commune européenne, la Première Guerre mondiale, dont on vient juste de célébrer le centenaire de la fin. La vie de Tönle, passée aux confins de l’Italie du nord et de l’Empire austro-hongrois, a pour moi une forte résonance actuelle. A travers l’écriture splendide et poétique de Rigoni Stern, le berger transhumant Tönle, contrebandier, soldat, colporteur d’estampes et paysan, questionne le rapport aux frontières et la folie guerrière des hommes. Mieux que n’importe quel plaidoyer humaniste pour la paix. Lisez Tönle, c’est un récit montagnard chavirant, court et magnifique, une méditation profonde, qui mérite d’être beaucoup plus largement connue.
Tablette, liseuse ou papier ?
Je suis principalement « papier » pour son histoire, sa diversité, sa souplesse, sa légèreté de transport (édition de poche), son confort visuel dans mes lectures de longue haleine. Mais cela n’exclut pas que j’utilise une tablette pour d’autres types de lectures moins intensives. Je n’ai pas d’a priori négatif envers la liseuse électronique.
Quel est votre endroit préféré pour lire ?
J’aime lire sur mon balcon lorsqu’il fait beau. Dans ma chambre en hiver.
Avez-vous une citation fétiche issue de la littérature ?
Ovide : « Rien ne meurt, tout change. »
Quelle sera votre prochaine lecture ? Comment l’avez-vous choisie ?
Après le moment qu’Haruki Murakami vient de me faire passer en sa compagnie (Le Meurtre du Commandeur, livre I, Une Idée apparaît), la suite sans hésiter : Livre II, La Métaphore se déplace. C’est le livre que j’aimerais trouver au pied du sapin, entre autres.
D’après vous, qu’est-ce qu’une bonne critique de lecteur sur Babelio ?
Une lecture étant chose éminemment subjective et personnelle, parler de « bonne critique » me semble périlleux. Je ne sais pas s’il y a des standards en cette matière. L’un des charmes de Babelio est de justement permettre l’expression de très nombreux points de vue de lecteurs. Certaines fines critiques passent inaperçues, d’autres ont beaucoup plus de visibilité. J’aime sentir un tempérament de lecteur dans une critique. Longue ou courte peu m’importe.
Une anecdote particulière en rapport avec Babelio ?
Une anecdote Babelio : l’année dernière je suis allée au pique-nique et j’ai attrapé un lumbago en restant trop longtemps assise par terre sur l’herbe. Merci aux organisateurs de prévoir des lieux avec des bancs pour les personnes âgées !
Avez-vous une idée du ou des livres que vous allez offrir à Noël ? Et d’un livre que vous aimeriez trouver pour vous au pied du sapin ?
Au pied du sapin : outre le tome II du dernier Murakami, l’anthologie illustrée de poèmes Tout terriblement de Guillaume Apollinaire.
Merci à Alzie pour ses réponses !