Rencontre avec Tommy Kruise et Wray dans une soirée alternative de Montreal

Publié le 02 décembre 2018 par Sneakersaddict @Sneakersaddict

La culture de la fête est aussi vieille que l’humanité et il existe autant de façon de “clubber” qu’il existe d’étoile dans le ciel. Mais même parmi celle-ci, une attire toujours l’attention : les “underground parties”. Ces soirées ne se résument pas à de simple terrains de jeux pour une jeunesse “perdue”, elle font bien souvent office d’incubateur à tendance où l’absence de préjugés et de règles laisse place à la créativité à l’état pure et ceux même dans les endroits les plus insolites. Ensevelit sous la neige au moins 4 mois par an, la ville de Montréal, malgré sa météo n’échappe pas à la règle. C’est donc entre 2 soirées clandestines où musiques, tattoos “à la sauvette” et alcools forts font la loi que nous nous sommes entretenu avec Wray, promoteur d’event underground à Montréal et Tommy Kruise, DJ et producteur reconnu issu de la ville.

Quelle est le concept derrière ce genre de soirée ?

Wray : Le principe est un peu le même que celui d’une rave où on fait la fête jusqu’au petit matin. Avec “REFORM.” plus particulièrement, le but était de créer un lien entre différentes strates d’une jeunesse que je qualifierai  “d’endommagée” qui essaye de passer outre ses traumatismes. C’est un endroit ou il n’y a pas d’étiquettes juste de la pure folie.

Qu’est ce qui t’as motivé à faire ce type d’évènement ?

W : Je voulais juste donner vie à quelque chose de différent de ce qu’on a l’habitude de voir sur la scène sursaturé du “nightlife” et créer un espace exclusif et non pas inclusif. Un espace pour ceux qui cherche à s’échapper de leur problèmes du quotidien. L’une de mes inspirations était le Studio 54 : un espace d’insouciance, ampli d’une atmosphère presque magique mais en y ajoutant une ambiance plus sinistre. Ça me tenait vraiment à coeur de créer quelque chose pour les gens qui comme moi, adorent les trucs un peu farfelu et apprécient de la musique un peu plus pointu que ce que l’on entend dans tout les clubs.

Selon toi qu’elle est la différence entre le clubbing de base et les soirées underground et qu’est ce qui attire les gens à l’une (cf. soirée underground) plutôt que l’autre ?

W : Je pense que ce qui rend les soirée underground différent du clubbing de base c’est tout simplement qu’elles ont une vibe bien différente des boîtes de nuit qui sont plus commerciales. Dans ce genre de fête, les gens peuvent s’amuser sans restrictions ni contraintes. Or des contraintes, la société nous en impose déjà beaucoup.

J’aime aussi penser que les gens viennent à cause de l’aspect mystérieux. C’est différent. Pendant l’espace d’une nuit on peut se laisser porter par la musique et oublier tout le reste. Je pense que dans la vie on se doit d’être responsable mais qui peut nous blâmer ? Je trouve naturel qu’on ai le droit au moins une fois de temps à autre d’oublier et de se libérer de son stress de la manière la plus “pure” qui soit.

La culture underground est très souvent ignoré, alors qu’elle est bien souvent à l’origine de ce qui par la suite deviennent des tendances mainstreams. Est ce que ça t’agaces de voir certaines personnes s’approprier ces codes sans en apprécier réellement leur origine ? Est ce que c’est pour ça que la localisation de tes soirées est garder secrète, pour ne pas attirer les “mauvaises” personnes ?

W : Non mais ça en dit long. Ça montre que ceux qui sont à l’apex de la communauté underground sont vraiment les innovateurs du future. La principale raison pour laquelle on garde le lieux de la soirée secrète c’est pour éviter une intervention de la police et puis en plus de ça, ça rajoute au “folklore” underground.

Il existe des communautés underground un peu partout dans le monde, est ce que tu a déjà pensé à essayer de rentrer en contact avec ces dernières ?

W : Carrément. Peu importe où tu vas, il y aura toujours des rebelles, des gens dans la merde qui cherchent juste à se détacher du monde justement. J’adorerai pouvoir leur offrir cette possibilité.

Tu fais office de figure emblématique sur la scène musicale canadienne, et plus particulièrement à Montréal. Sachant que Montréal est une ville extrêmement multi-culturelle ça relève presque du défis de pouvoir s’imposer en tant que DJ sur la scène Montréalaise. Est ce que tu vois ça comme un atout ou plutôt une faiblesse d’évoluer dans un tel environnement ?

Tommy Kruise : Merci pour ces mots, j’en suis totalement reconnaissant. Pour répondre à la question, je vois définitivement tout ça comme un atout. Montréal est une ville qui a été bâti et propulsé par l’immigration, et c’est selon moi une des grande forces d’ici. La ville est assez grande pour voir évoluer énormément de trucs qui ne se ressemblent pas et qui peuvent “appeal” aux gens d’ici. Tout le monde apportent du sien et ça créer un peu l’essence de ce que Montréal représente. Venant de l’extérieur de la ville (jusqu’à mon adolescence), c’est ce qui m’a rendu accro à Montréal.

La grande majorité des artistes cherchent à faire des shows avec le plus d’exposition possible donc comment est ce que tu t’es retrouvé à faire DJ pour des soirées underground ?

TK : C’est parce que c’est comme ça que j’ai commencé. On organisait des soirées de minuit à cinq heures du mat, un peu en mode illégal, pour ceux qu’on connaît et qui voulaient ça. Et avant même de me produire dans ces soirées, j’étais dans la foule dans d’autres soirées du type. Je voyais des gars comme Guilty, Jacques Greene, Seb Diamond et plusieurs autres qui organisaient des soirées de ce genre et je voulais toujours m’impliqué pour aider à ce que ça ait lieu. C’est maintenant plus compliqué pour moi de faire en sorte de jouer des bookings comme ça mais je crois pas que je serais capable de me séparer de ce lien avec cette scène. C’est ce qui m’a donné l’envi de faire ça donc je crois que j’suis obligé de toujours avoir un pied là-dedans. Je m’amuse certainement avec les gros bookings mais une bonne fête de sous-sol, illégal, warehouse, afterparty ou quoi qu’il en soit sera toujours ce que je préfère.

Qu’est ce qui change entre ce type de public et le public plus mainstream auquel tu as affaire en temps normal ?

TK : L’underground va toujours dicté le jeu selon moi. Tout passe par là. Donc ce qui diffère c’est qu’un public mainstream risque de connaître ce que tu fais et vouloir un certain produit ou performance venant de toi. Tandis que de l’autre côté, la majorité du public ne sait pas à quoi s’attendre de toi. La plupart sont probablement venus parce qu’ils sont amis avec le promoteur, un des djs, des amis de la personne qui s’occupe de faire le vestiaire ou la sécurité. Si tu peux faire une bonne surprise, autant aux deux publics, alors c’est clair que tu es sur quelque chose. Aussi les crowds de l’underground sont des oreilles qui écoutent beaucoup, souvent des gens qui “care” à propos de la musique à son état pur.

Tu as déjà travailler avec pas mal de rappeurs “mainstream” connus (Playboi Carti, Hoodrich Pablo Juan …), selon toi quelle est la place de la scène underground dans le monde du rap aujourd’hui ?

TK : Au niveau du rap, c’est pas la même chose l’underground que la scène house/techno, ça c’est certain. Énormément de talentueux rappeurs resteront probablement dans l’ombre, parce que c’est facile de faire carrière sur internet et de monter un public en ligne comparé à dans sa propre ville en personne. On le voit énormément, aussitôt qu’un rappeur local est bon et se démarque, les gens sont normalement hyper-rapide à ne pas supporter, à ne pas vouloir payer pour aller voir en show. Je pense que c’est quelque chose qu’on doit changer, la plupart des foules attendent qu’un rappeur soit “co-signed” par une vedette pour finalement montrer leur amour. Je veux sincèrement voir plus de gens supporté ce qui se fait chez eux.

Quelles sont tes projets à venir ?

TK : Mon premier projet avec que des featurings qui est prévu pour le début de l’année 2019. Il y a beaucoup de bruit qui se fait à Montréal en ce moment et j’ai voulu aller rencontré beaucoup de ces nouveaux jeunes de la ville. J’ai très hâte de dévoiler tout ça et ensuite j’embarque sur un projet strictement francophone.


Tommy Kruise / @tommykruise

Images Bassim Rifai + d6rkangel