Si chez le très réputé peintre malaguène Pablo Picasso il y a une multitude de périodes, une œuvre qui se réinvente sans cesse chez Jonathan Richman on ne distingue vraiment pleinement que deux périodes : les débuts gris clair du jeune velvetien transi d’admiration qui aurait vu plus de cent fois ses héros en concert, et la période rose, la plus longue, celle ou il s’est vraiment trouvé en définissant un style primitif et plus naïf que le biclou rouillé du douanier Rousseau.
Ce spicilège qui couvre la période gris clair et les débuts du « nouveau » Jonathan résume assez bien l'évolution du bonhomme. On retrouve Roaddruner, Girl Friend, I’m Straight, autant de classiques définitifs marqués par la frustration, une inquiétude perceptible et une forte part autobiographique. Comme au royaume de le la bipolarité heureuse rien n'est vraiment jamais simple on retrouve ensuite Abdul & Cleopatra, Egyptian Reggae, Dogde Veg-O-Matic et une flopée de merveilles capricantes où l’inquiétude et la frustration s’évaporent au contact d’une réalité rêvée faite de marchands de glaces, d’abominables hommes des neiges dans le supermarché, de trucs égyptiens et de machins super frais inventés avec le cœur et la chemise très grande ouverte. Jonathan passe du proto-punk trottinant au doo-woop élémentaire, des hymnes anti hippies à la célébration des petits pots aux légumes, de la candeur sombre à la candeur rose. Bref, au fil de ce disque il retombe de plus en plus en enfance et il n'y a pas vraiment lieu de s'en plaindre.