Galeristes, une foire d’art contemporain “comme à la maison”
Exercices incontournables dans la vie d’une galerie, les foires ont pourtant tendance à cristalliser les exaspérations : parcours épuisants, concurrence internationale acharnée, galeries ou artistes « refusés », sous-représentation de la scène française contemporaine, etc.
Le commissaire et critique d’art Stéphane Corréard partage ce diagnostic. Mais avec la 3ème édition de Galeristes, il revendique un nouveau remède : un modèle de foire humaine et chaleureuse !
INFOS PRATIQUES : GALERISTESDu 30 nov. au 2 déc. 2018
de 13h à 19h
Le Carreau du Temple
2 Rue Perrée, 75003 Paris
Tarif : 10 € (ou 5 € en tarif réduit)
Site web : galeristes.fr
Page Facebook : Galeristes
ENTRETIEN AVEC STÉPHANE CORRÉARD
Galeristes cherche à réenchanter la foire d’art contemporain. Considérez-vous les foires comme un mal nécessaire ?Stéphane Corréard : Aujourd’hui il y a tellement de bonnes galeries… un amateur normal ne peut pas visiter les 500 galeries parisiennes – pour ne parler que d’elles – qui présentent une programmation intéressante et dans lesquelles se trouvent peut-être LA pépite, l’artiste qui va lui taper dans l’œil ou le galeriste avec lequel il va s’entendre.
Mais lorsque l’on va dans une foire, on voit 300 boxs blancs et on a l’illusion qu’on a visité les galeries. Ce n’est pourtant pas vrai ! Ici, c’est tout à fait clair, grâce à la scénographie de Dominique Perrault : on ne visite pas la galerie, mais on voit un autoportrait du galeriste.
Stand de la galerie Ariane C-Y © Photo Clara Ferrand
S.C. : La scénographie rompt radicalement avec la froideur habituelle des foires. À Galeristes, on est “comme à la maison”. Hier un collectionneur m’a dit : “J’adore vos lampes, car c’est éclairé comme chez moi et il y a des œuvres posées par terre… comme chez moi !” Les amateurs se projettent plus facilement dans cette atmosphère, qui s’apparente beaucoup plus à leur espace domestique.
Je trouve que les galeries qui réussissent bien leur proposition à Galeristes sont celles qui jouent avec l’idée de “réserve”. C’est une auto-fiction bien sûr, parce que ne sont pas leurs vraies réserves. Semiose Galerie a voulu montrer sa “réserve idéale” : ils éditent beaucoup de livres, du coup il ont beaucoup de cartons dans leurs réserves, et donc il ont conçu une espèce d’avalanche de cartons ! Mais une avalanche dans laquelle les œuvres sont très bien valorisées. On est dans ce mélange de sophistication et de décontraction qui marche si bien ici.
Stand de la Semiose Galerie © Photo A.Mole
Diriez-vous que vous cherchez à construire des relations durables, là où d’autres foires ne favorisent que des ventes immédiates ?S.C. : Idéalement, c’est ça. Le premier jour de la foire, nous organisons une visite que nous avons baptisée “premier cercle”. Le constat à l’origine de cette idée, c’est que, dans la durée, une galerie repose essentiellement sur une dizaine de collectionneurs fidèles qui suivent plusieurs des artistes représentés. Toute notre ambition est de rajouter un onzième, un douzième ou un treizième collectionneur assidu dans ce “premier cercle”. Alors évidemment, ça se fait dans le temps…
Le problème, c’est que l’évolution du marché a rendu quasiment impossible ces nouvelles rencontres. Les galeristes font beaucoup de foires à l’étranger ou en région et sont très peu présents dans leur galerie : quand bien même ils seraient là, ils travaillent plutôt dans leurs bureaux, déconnectés de l’espace d’exposition. Ils ont parfois des caméras de surveillance et ils ne sortent que pour saluer leurs clients familiers ! Ils rencontrent rarement de nouveaux visiteurs.
Avec ses tiroirs et ses racks, la scénographie de Dominique Perrault a ceci d’extraordinaire qu’elle rend quasiment obligatoire la rencontre entre les visiteurs et le galeriste. Les gens demandent : « Est-ce que je peux tirer cette œuvre ? Est-ce que vous pouvez me montrer ça ? » C’est vraiment le premier pas qui coûte, mais une fois que la relation s’est amorcée, elle se poursuit naturellement… à Galeristes d’abord, mais surtout dans la galerie par la suite.
Vous avez déjà annoncé que la prochaine édition de Galeristes se tiendrait en octobre, pendant la fameuse « semaine de l’art contemporain ». Comment envisagez-vous cette prochaine concomitance avec la FIAC ?S.C. : J’étais très heureux de lancer le salon à un moment où il n’y avait rien, parce que je ne voulais pas paraître comme un off. Nous ne sommes pas du tout un “Salon des refusés”, il y a d’ailleurs ici cinq ou six galeries qui font la FIAC.
Mais la semaine de l’art contemporain est devenu le temps fort du calendrier artistique français et toutes les galeries rêvent d’être présentes cette semaine là. Malheureusement, quand on fait le compte il n’y a que 45 galeries françaises d’art contemporain (de premier marché) qui sont accueillies à la FIAC, alors qu’il y en a au moins 150 ou 200 qui ont le niveau pour prétendre y aller. Donc ça génère beaucoup de frustrations. On sait aussi que la sélection se fait de plus en plus sur la puissance médiatique, financière ou sociale des galeries et souvent au détriment de la scène française : il y a très peu d’artistes français vivants exposés à la FIAC.
Galeristes a donc tout à fait sa carte à jouer, en valorisant cette scène, dans cet esprit convivial et accessible… à la fois en terme humain et financier. Un galeriste peut montrer ici une autre facette de son programme et de sa personnalité, avec par exemple certains artistes de son catalogue qui auraient été refusés par la FIAC.
Propos recueillis par Frank Puaux
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