Tout le monde va sans doute parler de la même chose aujourd'hui, mais bon. Un choeur de blogs braille plus fort. D'ailleurs, Marc Vasseur, avec un excellent billet sur la question, nous a déjà fait la plupart du travail.
L'affaire de la "mise à sac" de l'appartement de Ségolène Royal se poursuit. Libération met en une "La gaffitude". Laurent Joffrin pond un éditorial suffisant et inepte :
Que dire pour défendre Ségolène Royal ? Rien. On cherche vainement une raison qui pourrait justifier un tant soit peu les accusations à peine voilées qu'elle a portées mardi soir contre le «clan Sarkozy».
Même le Figaro est plus sérieux, malgré un titre légèrement condescandant et machiste : "Ségolène Royal se sent «suivie ou écoutée»". Elle "se sent" suivie. Car une gonzesse, ça sent les choses, car une gonzesse n'est pas raisonable, une gonzesse a peur, est parano, hystérique, émotionnelle, pas sérieuse. Ah, mais c'est le Fig, me dîtes vous tous en même temps. Oui, mais Laurent Joffrin ne fait pas mieux, il fait même pire :
L'ancienne candidate a bien été cambriolée, expérience toujours traumatisante d'autant qu'elle s'est répétée. Mais des millions de Français ont été cambriolés au fil des années. Rares sont ceux qui ont incriminé le président de la République...
Oui, c'est "traumatisant", du coup l'ex-candidate pète les plombs. C'est la variante parano du thème de la "gaffitude" : si ce n'était pas des martiens, alors c'était Nicolas Sarkozy.
Je disais donc que le Figaro était pour le coup plus sérieux. Car là où Joffrin "cherche vainement une raison qui pourrait justifier un tant soit peu les accusations", le Figaro en fournit plusieurs qui méritent d'être répétées :
- "Les policiers du Service départemental de police judiciaire (SDPJ) des Hauts-de-Seine, chargés de l'enquête parlent d'une «mise en scène», voire de «mise à sac», selon une source proche de l'enquête."
- "le procès-verbal de [la] plainte [concernant le cambriolage précédent] a été «mis en évidence à dessein, de façon à ce que ce soit repérable», assurent les enquêteurs, confirmant une déclaration de l'avocat de Ségolène Royal, Me Jean-Pierre Mignard."
- Les policiers auraient fait remarquer que l'heure de la mise à sac était atypique.
Visiblement, le Service départemental de police judiciaire (SDPJ) des Hauts-de-Seine est une antenne de Désirs d'avenir pour pouvoir accréditer ainsi les délires de cette dame.
Sérieusement, qui peut, hormis Laurent Joffrin, soutenir que cette affaire n'a pas tout d'un acte d'intimidation politique ? Laurent Joffrin n'est-il pas assez informé pour savoir que ce ne serait pas la première fois qu'un incident de ce type vient salir l'immaculée vie politique de la France ?
Laurent Fabius, pourtant pas franchement un allié de Royal, est moins naïf que Joffrin (je prends ceci chez Marc Vasseur) :
Pssst Monsieur Joffrin ... L'ancien Premier ministre Laurent Fabius (PS) a affirmé jeudi sur LCI avoir déjà eu le sentiment d'être "suivi, écouté, espionné", mais a de nouveau refusé "d'entrer dans la polémique" à propos de la mise à sac de l'appartement de Ségolène Royal. A la question "avez vous eu le sentiment d'être suivi, d'être écouté, d'être espionné", l'ancien Premier ministre a répondu sobrement: "oui". "Donc ça existe", a poursuivi le journaliste qui l'interrogeait. "Je le crains", a rétorqué M. Fabius. source Ouest France.
Du coup, quand Laurent Joffrin écrit,
D'où vient cette hypothèse sensationnelle ? On ne sait. Rien dans l'enquête, rien dans l'appartement mis à sac, rien dans les milieux judiciaires.
on se demande s'il lit les journaux de temps en temps. Dans le sien, dans le papier correspondant à celui du Fig, les faits accréditant la piste de l'intimidation ne sont présents que sous forme de citations de Ségolène Royal elle-même, confortant ainsi l'interprétation "elle est folle".
Le pire dans cette histoire, c'est que l'effraction dans l'appartement de Madame Royal passe pour beaucoup moins grave que le fait que la première concernée en parle. Sois intimidée et tais-toi! Le fait de dire ce qui ne nous surprendrait pas du tout si le pays en question était l'Italie par exemple, semble, en France, tout à fait hors de propos.
Marc, écrit encore, en s'adressant à Joffrin :
Et pour tout dire, je crois que le temps de l'opposition gentillette est désormais révolue... il s'agit de lutter pied à pied contre une droite revancharde et idéologique. A ce propos, Je m'étonne de votre mansuétude vis-à-vis des tombereaux d'insanités qu'elle nous sert quotidiennement depuis la fin de l'état de grâce de votre ami... cela ne semble guère vous émouvoir,.
Voilà ce que si peu de personnes dans le grand consensus médiatico-politique semblent avoir compris : Ségolène Royal est la seule à taper fort contre la communication sarkozyste elle-même. Cela surprend plus encore à gauche qu'à droite, peut-être, mais, comme je le dis depuis que ce blog existe, pour gagner des élections il faut savoir communiquer, exister sur le plan de l'image. La plupart des cadres socialistes ne parviennent pas à dépasser la petite phrase, l'ironie ou, les bons jours, le sarcasme, alors que face à l'UMP, face à un Sarkozy, il faut taper fort.
L'épisode Ingrid Bétancourt le montre bien. Lisez surtout ce billet de Nicolas J., pourtant pas un ségolénophile, qui montre la nécessité absolue de dire que Sarkozy n'était pour rien dans la libération de l'ôtage des FARC. Il est essentiel de dégommer les faux-semblants sarkozyëns qui n'ont peut-être pas d'importance dans la technocratie ou dans la compétition à l'intérieur du PS, et pour l'instant une seule responsable politique semble l'avoir compris. (Enfin, il y a aussi Noël Mamère qui peut être très efficace quand il veut.)
Ségolène Royal tape fort : c'est l'une des leçons à retenir. Raffarin l'avait traitée de délinquante sociale, Royal sort l'histoire de l'appartement parisien que ce même Raffarin faisait louer par la Région Poitou-Charentes. "T'en veux une, la voilà ta baffe."
Au vu de la réaction de Laurent Joffrin, ce langage politique-là n'est pas acceptable pour la gauche, qui ne doit rien oser, qui doit rester dans sa molle acceptation de la politique et de la communication de la droite, qui doit accepter les termes du débat que la droite lui impose, qui ne doit finalement exister que comme la proposition d'une petite inflexion de la politique de l'UMP. Si on était au pouvoir, on ferait presque pareil, mais un peu mieux...