C'est une migration saisonnière dont nous avons très peu entendu parler. Elle concerne des femmes, recrutées pour la plupart parce qu'elles étaient seules avec enfants, ce qui assurait leur retour au Maroc après la saison des fraises. Un travail difficile, des conditions de vie en Espagne théoriquement adaptées mais souvent dégradées. Il n'y avait pas que des Marocaines, mais celles-ci ont fait l'objet d'un accord entre le Maroc et l'Espagne, accord devant en principe garantir les bonnes conditions de cette migration spéciale. Chadia Arab a rencontré ces femmes, les médiateurs chargés d'accompagner leur installation temporaire au Maroc, les institutions organisant le dispositif. Elle a d'abord voulu montrer que la migration des femmes n'était pas uniquement celle d'épouses rejoignant leurs maris, mais aussi une démarche pour leur emploi. Dans la plupart des cas présentés, cette migration circulaire permettait aux femmes d'avoir un revenu qu'elle n'avait pas dans leur village et de changer de ce fait de statut vis-à-vis de leur famille, voire du village même. Mais ces femmes dépendaient entièrement de décisions qu'elles ne maitrisaient pas : le besoin de main d'oeuvre en Espagne, l'organisation même de leur vie pendant la période de la cueillette (par exemple, elles ne pouvaient pas sortir de l'espace qui leur était attribué sans porter un gilet jaune).
Dans ce petit livre, Chadia Arab donne la parole à ces femmes et en relate les conditions économiques, sociales et politiques. Je n'achèterai plus les fraises d'Espagne de la même manière à présent.