Bad buzz Dolce Gabbana, les algorithmes auraient pu les sauver

Publié le 26 novembre 2018 par Muzard


En postant des vidéos sur Instagram pour promouvoir son défilé en Chine, le groupe de luxe italien Dolce Gabbana visait le buzz. Effectivement cette publicité a généré plus de 120 millions de commentaires mais…. pas des plus sympathiques. L’espoir a tourné au cauchemar.

Défilé annulé, appel au boycott en masse de Chinois, déréférencement de la marque par plusieurs des sites majeurs de vente en ligne chinois…les conséquences sont lourdes pour la marque italienne.

Il est probable que les créateurs devaient penser que ces vidéos mettant en scène une jeune chinoise tentant en vain de manger une pizzaa[1], des spaghettis ou une pâtisserie italienne avec des baguettes feraient sourire les Chinois. Et que l’image de cette jeune femme un peu stupide, essayant sans succès de suivre les conseils d’un homme «expert » était irrésistible.

Inventaire des stéréotypes buzzogènes

 

Comment en 2018 certaines marques peuvent- elles encore se méprendre à ce point ?

En s’appuyant sur l’analyse de data en matière de bad buzz (près de 3 000 dans les 5 dernières années[2]) , les entreprises disposent pourtant d’outils d’analyse prédictive permettant de pré-tester une campagne de communication afin de s’assurer qu’elle ne véhicule pas de stéréotypes buzzogènes. L’historique des bad buzz a permis de recenser les clichés racistes par pays-région, ainsi que les clichés sexistes.

En l’occurrence ici le seul fait de « se moquer des symboles-tradition culinaires/gastronomiques » (manger avec des baguettes) exposait la vidéo aux accusations de racisme.

De plus, en « représentant une femme à travers un stéréotype dévalorisant : lgnorante devant être éduquée par les hommes (notion de mansplaining) la vidéo s’exposait aux accusations de sexisme.

Deux facteurs aggravants : le fait que Dolce Gabbana soit une marque réputée au plan international et que son casier médiatique (deux autres bad buzz en 2017) était déjà chargé, permettaient d’anticiper une crise médiatique grave.

On pourrait rétorquer qu’un peu de bons sens aurait permis à la marque de luxe d’échapper au bad buzz.

La réalité est plus complexe. Sinon, les groupes ne récidiveraient pas dans l’erreur.

Les créateurs italiens ont suscité une vague de colère l’an dernier, avec des baskets grossophobes ( qui portaient la  mention « I’m thin and gorgeous »). Et ils avaient déjà choqué la Chine avec une vidéo mettant en scène des mannequins Dolce Gabbana aux côtés d’ouvriers chinois pauvrement vêtus. Ce clip avait été perçu comme l’expression de l’arrogance occidentale par rapport aux Chinois.

 

Gestion de crise modélisée

Mais c’est moins dans la prévention que dans la gestion de la crise médiatique que la marque de luxe a manifesté le plus de maladresse.

Stéphano Gabbana a tout d’abord critiqué ses détracteurs en traitant la Chine de pays de merde… sur son compte Instagram. Ce commentaire a suscité une vague d’indignation encore plus forte que le clip polémique.

Visiblement il relevait d’une conversation privée qui n’aurait pas dû être partagée publiquement. 

Face à la polémique, le créateur a préféré sortir son joker du Piratage « son compte aurait été piraté ». L’argument n’a pas convaincu, compte tenu de son passif sur la toile où il fait figure de Troll compte tenu de ses échanges virulents avec Lady Gaga, Selena Gomez, Elton John entre autres stars.

A la maladresse il a donc ajouté le délit de mensonge. Après 5 jours de polémique, les créateurs ont décidé de frapper fort et de publier une vidéo d’excuses. Une réaction bien venue mais trop tardive. Les excuses exprimées sous la pression médiatique n’ont pas la même capacité réparatrice pour la réputation qu’un mea culpa prompt et accompagné d’engagements pour éviter la récidive.

On aurait tort de croire que Dolce Gabbana est une exception ou que le luxe, est le secteur le plus exposé à ce risque réputationnel, en raison des « délires » de ses créateurs.

En 2016, dans 48 % [3]des cas, la riposte de l’organisation n’a pas réussi à apaiser le bad buzz dont elle était victime quand elle ne l’a pas aggravé.   La marque de luxe n’est pas la seule à ne pas savoir tirer des leçons de ses « fails ». En témoigne Decathlon cité en référence en quand son Community Manager a pris la défense d’une féministe harcelée par la toile pour avoir reproché à l’enseigne de sports ses sacs « genrés »[4].  Mais qui ne réagit pas officiellement quelques mois plus tard, quand elle est attaquée pour ses articles de Chasse ou quand elle est accusée de sexisme pour avoir réservé des places de parking réservées « aux femmes avec enfants ».

L’analyse des réactions des victimes de crise réputationnelle et de leurs conséquences (succès ou échec) a permis d’élaborer des modèles numérisés pour aider à la décision tactique.

Dans le scandale Dolce Gabbana dès lors que l’intensité du bad buzz était « très fort », et que le mouvement de colère concernait une cible stratégique, le marché chinois qui représente un tiers des ventes du marché du luxe[5], la situation était fortement crisogène. Sachant que le fait générateur du buzz était une maladresse, un mea culpa s’imposait d’entrée dès le lendemain de la diffusion de la vidéo polémique.

Un algorithme de gestion de bad buzz aurait permis à la marque italienne de réagir de manière appropriée dès le début de la vague de colère sur les réseaux sociaux en lui évitant  probablement une crise médiatique grave.

Face à la crise réputationnelle qui représente le premier risque pour les entreprises (Etude AON 2017)
 [6] )  ces modèles numérisés peuvent améliorer significativement le pronostic du bad buzz tout en rassurant les actionnaires, de quoi encourager les communicants à les utiliser comme d’autres professions à forte valeur ajoutée ( santé, ou le juridique ) qui ont déjà sauté le pas de l’intelligence artificielle.

[1] https://www.youtube.com/watch?v=7e_J_rFu4Ao

[2] Bad buzz « entreprises » sur le web anglophone et francophone étude MMC

[3] http://mmc-communication-crise.com/spip.php?article60

[4] Sacs jugés sexistes : roses pour les filles et bleus pour les garçons

[5] un rapport du cabinet de conseil McKinsey & Company.

[6] http://www.aon.com/2017-global-risk-management-survey/index.html?utm_source=aoncom&utm_medium=grms-vanity&utm_campaign=grms2017