Magazine Culture
Beaucoup d'incompréhension sur ce 5ème long format des Ramones; Les fans purs et durs ne leur pardonnent pas d'abandonner leurs idéaux less is more, leur production à l'arrache jusqu'alors de rigueur. Paradoxalement, ce sont souvent les mêmes qui s'esbaudiront du son métal et des pédales overdrivées de Johnny ainsi que des lignes de synthés qui parsèmeront certains de leurs albums ultérieurs - le grotesque Too Tough To Die par exemple. Et d'ignorer cet adage qui veut que des Kinks aux Damned en passant par les Stones ou les White Stripes, le 5ème album d'un groupe est souvent son meilleur.
N'en déplaise aux plus chafouins, cette rencontre improbable entre la Pompadour des producteurs, le créateur du Wall of Sound Phil Spector, alors à la ramasse, offre au légendaire groupe NewYorkais l'opportunité de "casser" la formule jusque-là établie et servir des intérêts mutuels : redonner un crédit rock à Spector et montrer ce qu'en dehors de trois accords les faux frangins de Bowery.....enfin surtout Joey, savent faire.
Il a trouvé plus fêlé que lui. Le bipolaire et très irascible Dee Dee, bassiste de son état et ancien micheton qui se faisait des fix dans les eaux boueuses des chiottes des pubs de Londres, se voit le revolver pointé sur la tempe, intimer par Phil Spector de répéter inlassablement le même titre. Pendant qu'au loin les cerbères et gardes du corps de la diva grognent et ricanent férocement.
Si End Of The Century représente ainsi le cauchemar ultime pour une frange non négligeable des supporters des Ramones, il le fut avant tout pour ....les Ramones eux-mêmes.
Pour des mecs habitués à torcher des chansons géniales même si interchangeables de 2', le choc fut brutal.
Qu'à cela ne tienne : les Ramones deoivnt un jour ou l'autre se renouveler. Ca tombe bien; Joey est un fan éperdu des girl-groups des années 60. La manière dont il s'accapare le "Baby I love you", seule reprise de l'album est oeuvre de Spectr pour les Ronettes est confondante : Joey est un grand chanteur, pour qui en aurait douté ; sans doute l'un des plus mésestimés de l'épopée punk. D'ailleurs, dès l'introductif et revigorant "Do you remember rock'n'roll radio ?", ode à l'âge d'or des disc-jokeys personnifiés par Alan Freed, la messe est dite. La chose pourra être dégoulinante de cuivres et de violons ; l'on sait qu'avec cet album les Ramones vont franchir un cap, d'où il leur sera difficile d'évoluer par la suite.
Mais à vrai dire, seul Joey tirera vraiment son épingle du jeu, voir ses hoquêtements d'Elvis ou de Buddy sur les morceaux sus-mentionnés, ou bien sur la meilleure chanson en "I" jamais réalisée par les Dalton du Perfecto, ce "I'm affected" redoutable d'efficacité. Où point pour la première fois.....un solo de guitare dans un disque de Ramones. Johnny qui se plaignait que son instrument soit noyé dans le mix mille-feuille se vit ainsi exaucé.
Encore qu'on n'est pas sûr que ce soit lui qui joue, vu que sa technique lui interdit généralement d'aller au-delà des accords en barré ; et que chez Spector les musiciens de studio iabondent.
Qu'importe : les Ramones sortiront gagnants de l'affaire, revisitant leurs vieux thèmes ("....Jackie and Judy"), offrant enfin une interprétation digne de l"hymne drogué "Chinese rocks" jadis popularisé dans une version cheap par les Heartbreakers, mais qui à l'origine était l'émanation du duo Dee Dee / Johnny Thunders. Une autre favorite, ce "Let's go" titre tellement manifeste qu'on le chérira d'autant plus. Avec une moisson de chefs d'oeuvres et de classiques Ramoniens dans le lot. Parmi eux le fantastique "Danny says" qui ioffre à lui seul plus de contrepoints que l'intrégrale du groupe. Et l'on s'accordera ainsi que End Of The Century, malgré qu'il demeure un disque incompris demeure l'une des têtes de gondole (la plus belle ?) de la disco des feus New-Yorkais.
Les fans ont parfois la dent dure.
En bref : aucun fan sérieux de pop orchestrée, aucun adorateur crédible des Ramones ne pourra passer sous silence ce disque ambitieux et qui ne renie pas l'identité du groupe.