Voilà une des questions à laquelle la société zürichoise iGENEA affirme pouvoir répondre. En fait, cette société spécialisée dans la génétique généalogique propose, pour une somme variant entre 190 et 1030 francs, de déterminer si vous avez des "racines celtes, phéniciennes, juives ou germaniques" ou de lever cette interrogation fondamentale "peut-être que l'un de vos ancêtres était un belliqueux Viking?"
Vive la "science" de cette société qui, dès la première page, pose un jugement de valeur sur vos éventuelles origines !
Vive cette science qui permet, pour une somme plus ou moins modeste selon votre niveau de vie, de répondre à la question "D'où est-ce que je viens?", de lever le doute "J'ai été adopté(e). Qu'est-ce que vous me conseillez?", de "Trouv[er] des parents inconnus jusqu'ici, éloignés" et de dévoiler que "Hauri est égal à Howery".
Tiens, déjà par cette dernière révélation, directement issue du site de la société, une première question éthique se pose, est-ce le rôle d'une société scientifico-commerciale de révéler que Justin Howery est peut-être un cousin très éloigné du député écolo-libéral Jacques-André, qui lui a un " y " à la fin de son nom, alors qu'il a toujours crû être apparenté avec des Hamilton ?
Est-ce que "seulement avec un test d'ADN généalogique d'iGENEA vous accéderez, sans limitation dans le temps, à la plus grande banque de données d'ADN dans le monde" est vraiment rassurant ?
Est-ce que déterminer par des méthodes "scientifiques" ses origines et ensuite, très vraisemblablement, les révéler à sa famille est sans conséquences ?
Est-ce que, comme l'écrit le Cercle vaudois de généalogie dans son excellent article intitulé " Généalogie et génétique - vers une astrologie de l'ADN?", "A l'heure où le respect de la sphère privée constitue souvent un obstacle à la consultation de registres récents, les généalogistes hésitent de moins en moins à se tourner vers ces nouvelles techniques pour essayer de trouver un chaînon manquant" est souhaitable ? N'est-ce pas une façon "scientifique" de détourner les règles de protection des données ?
Est-ce que ces tests sont fiables ? Que nous apprennent-ils ? Quel partie du génôme investiguent-ils ? N'est-ce pas là une façon peu scientifique de faire resurgir la notion de "race" chez l'homme ? Comment se fait-il que Gentest, la société mère d'iGENEA propose aussi des tests de recherche en paternité ? Pourquoi et comment ces tests sont-ils possibles alors qu'en France, par exemple, seul un magistrat peut les ordonner ?
Que deviennent les liens familiaux autres que les liens "génétiques" ? Pourquoi privilégier les liens père-fils et mère-fille ?
Une série de questions auxquelles le généticien André Langaney, généticien et professeur à l'Université de Genève, répond de manière assez brutale mais claire : "pour retrouver le passé et prédire le futur, l'examen de l'ADN est la nouvelle charlatanerie".
Une foule de questions que Catherine Nash, maître de conférence en géographie humaine au Département de géographie de l'Université Queen Mary de Londres, développe dans un article fouillé développant dix raisons de se méfier de ces pratiques, dans lequel elle mentionne "[...] acheter un test équivaut en fait à encourager des entreprises et des généticiens, lesquels sont des acteurs importants dans les débats actuels sur la crédibilité scientifique et les conséquences sociales du langage qui assimile ethnicité, race et génétique."
Une montagne de questions auxquelles le Cercle vaudois de généalogie a répondu en refusant l'offre d'iGENEA qui leur proposait pourtant 10€ en échange de chaque test commandé par l'intermédiaire de leur site Internet ...
Merci à eux et à leurs ancêtres qui ne leur ont pas transmis le gêne de la cupidité.
- Crédit photographique : Biophoto Associate/S.P.L./Cosmos
LES COMMENTAIRES (1)
posté le 22 septembre à 11:13
L'histoire se répète toujours et l'homme quoiqu'il arrive sera toujours aussi Con.