Aujourd’hui dimanche 18 novembre la plus connue des petites souris fête ses 90 ans! La marque suisse Swatch et l’artiste Damien Hirst ont préparé un joli cadeau d’anniversaire à la plus célèbre des petites souris en lui offrant deux montres spéciales. Rencontre à Shanghaï avec Carlo Giordanetti, creative director de Swatch.
Depuis 1983, soit une année à peine après son lancement, l’horloger de Bienne a pris le parti de s’associer avec les artistes contemporains les plus en vue du moment sous la bannière « Swatch loves art ». Au fil des ans, la liste des artistes ayant mis leur talent au service de Swatch est impressionnante. Kiki Picasso, Sam Francis, Jeremy Scott, Manish Arora, Vivienne Westwood, Ted Scapa,.. et même le grand Keith Haring. Alors quand il a été question de célébrer les 90 ans de Mickey, Carlo Giordanetti, directeur de la création de Swatch, s’est très rapidement fait une idée de qui serait l’homme de la situation: Damien Hirst, l’un des artistes vivants les plus cotés!
La réponse semblait évidente tant les oeuvres du Britannique démontrent un penchant certain pour la souris nonagénaire. En 2004 déjà, il présentait sa toile « Mickey » qui fût ensuite vendue £ 1’000’000 au profit d’une oeuvre caritative. A la biennale d’art de Venise de l’an passé, une sculpture intitulée « The Collector with Friend » faisant partie de son incroyable projet « Treasures From the Wreck of the Unbelievable » dont les oeuvres prenaient l’aspect de coraux le représentait tenant la main de la souris de Disney. Selon lui, «ce qu’il y a, avec Mickey, c’est que malgré toutes les transformations et les déclinaisons qu’il a pu subir, il traverse le temps et les époques comme si de rien n’était. De sorte qu’aujourd’hui il signifie et évoque les mêmes choses qu’à sa naissance, en novembre 1928.»
Spot Mickey et Mirror Spot Mickey, les deux montres Swatch créées par Damien Hirst.
C’est ce côté transgénérationnel qui a poussé Swatch a faire l’annonce de cette collaboration à Shanghai, où la marque biennoise possède le Swatch Art Peace Hotel, un lieu où elle héberge des artistes en provenance du monde entier pour qu’ils puissent s’y consacrer à leurs projets. Certains d’entre eux, parmi lesquels Katrin Rabenort, Miri Kim ou Tolu Coker, ont également été inspirés par le thème de Mickey. Les oeuvres qui en ont résulté ont été dévoilées lors de la soirée de lancement des nouvelles Swatch. Ils rejoignent ainsi une précieuse liste d’artistes: outre Damien Hirst, Salvador Dalí, Roy Lichtenstein ou Andy Warhol, pour n’en citer que quelques uns, avaient aussi été inspirés par la souris nonagénaire.
La collaboration Swatch x Damien Hirst se compose de deux montres différentes. L’artiste s’est amusé à ramener la mythique silhouette de Mickey à des ronds de couleur, qui pourtant évoquent la petite souris au premier coup d’oeil. La première, Spot Mickey, n’a été éditée qu’à 1’999 exemplaires et n’est vendue qu’aujourd’hui même – jour où Walt Disney, son papa, a donné naissance à la petite souris – sur l’e-shop de Swatch au prix de CHF 190.-, et ce jusqu’à minuit (dépêchez-vous). La seconde, Mirror Sport Mickey, est limitée à 19’999 exemplaires et est normalement disponible online ainsi que dans les boutiques de la marque, au prix de CHF 125.-. Nous avons rencontré Carlo Giordanetti, creative director de Swatch, pour en parler.
Carlo Giordanetti à Shanghaï lors de la présentation de la collection Swatch x Damien Hirst.
JSBG – Pourquoi avoir choisi Shanghai pour cette présentation?
Carlo Giordanetti – Nous avons choisi Shanghai parce qu’il s’agit aujourd’hui d’une des villes les plus importantes du monde, où Swatch possède une démonstration physique de son implication pour l’art: le Swatch Art Peace Hotel. Nous avons aussi pensé qu’il était plus intéressant de le faire ici plutôt qu’à Londres ou dans l’une des villes traditionnelles que l’on relie plus facilement au travail de Damien Hirst. Cela nous a aussi permis de travailler sur le même thème avec les artistes actuellement en résidence au Swatch Art Peace Hotel, pour voir ce qu’ils allaient en faire. D’apporter ainsi plusieurs niveaux à cette collaboration. Outre la collaboration avec Damien Hirst, c’était aussi un joli projet à mener à l’interne. Habituellement, les artistes en résidence au Swatch Art Peace Hotel sont complètement indépendants.Mais il nous arrive parfois de leur proposer une idée sur laquelle ils peuvent travailler, pour autant qu’ils le souhaitent. Par contre, j’ai remarqué qu’une fois qu’ils s’y intéressent, ils s’investissent à fond. Là, le mot d’ordre était « La célébration de Mickey.». Etant donné que les artistes ont tous des origines différentes, ils réagissent chacun avec leur propre sensibilité, leurs propres techniques.
Comment vous est venue l’idée de cette collaboration avec Damien Hirst. Qui a approché qui?
Cette collaboration a démarré d’une manière un peu différente des autres parce que l’idée de départ était Mickey et pas le souhait de travailler avec un artiste en particulier. Ici, nous avons d’abord pensé: comment pouvons-nous faire une fête pour Mickey? Des rapprochements nous sont vite apparus. Tout comme Mickey qui fête ses 90 ans mais n’a pas pris une ride, Swatch a maintenant 36 ans mais ne vieillit pas non plus. Une sorte de jeunesse éternelle. En plus on peut trouver à Mickey un petit côte suisse. Il est toujours à l’heure et apporte toujours des solutions concrètes et précises aux problèmes rencontrés. Il faut aussi mentionner le fait que Mickey est l’une des rares icônes globales. Il faut aussi dire que chez Swatch nous ne pourrions jamais juste prendre l’image de Mickey telle quelle et la poser sur une montre. Nous tentons toujours d’offrir notre propre interprétation des sujets. Nous n’avons par exemple jamais fait de licensing. Il nous faut un petit twist! Dans ce cas précis, nous avons pensé que ce twist pourrait provenir d’un artiste, qui pourrait donner sa propre interprétation du mythe Mickey. L’idée de Damien Hirst nous est venue après avoir visité la biennale de Venise et vu son exposition à la Fondation Pinault, dont l’oeuvre la plus inspirante était celle de Mickey et Damien se tenant par la main. Nous nous sommes dit qu’il devait sans doute déjà aimer le personnage de la petite souris.
Une fois que votre choix s’est fixé sur Damien Hirst, comment s’est déroulé le processus créatif entre vous?
Vraiment, c’était la partie la plus facile du projet. Une fois que nous avons fixé le cadre que le thème du projet devait être Mickey, nous avons laissé Damien s’exprimer comme il le souhaitait. C’est un peu notre manière de faire habituelle, nous laissons beaucoup de liberté aux artistes avec lesquels nous collaborons. Ce qui devient parfois un vrai défi pour nous car ils arrivent avec des suggestions qui nous obligent à rechercher des solutions techniques. Mais c’est aussi là que réside la beauté de ces collaborations. Avoir le courage de suivre ses inspirations! Je crois que la dimension de Mickey nous a dans ce cas précis également apporté une certaine pression. Nous avons aussi dû faire face aux exigences assez précises de Damien Hirst, qui est quelqu’un de très consciencieux dans le respect des processus et qui veut avoir un regard à 360 degrés dans les projets dans lesquels son nom est impliqué.
Est-ce que ces collaborations vous permettent de toucher une nouvelle clientèle?
La réponse est oui, surtout lorsqu’il s’agit d’artistes ayant une très forte renommée, comme c’est le cas ici. Je crois qu’aujourd’hui tout le monde connait la marque Swatch. Mais il nous arrive d’avoir des acheteurs qui viennent à nous grâce à ces collaborations, des personnes qui sans cela ne se seraient pas tournées vers Swatch. Ici, nous offrons la possibilité au plus grand nombre de pouvoir se payer une pièce signée par Damien Hirst, ce qui n’est bien entendu pas le cas de ses oeuvres habituelles.
Une question toute simple: comment se porte Swatch?
Bien! Swatch va bien. Swatch est l’une de ses marques que l’on associe à un mode de penser jeune. Elle ne s’adresse pas nécessairement qu’aux jeunes, mais à ceux qui en ont l’état d’esprit. Vous savez, nous sortons constamment de nouveaux produits. Et l’un de nos challenges actuels est de comment communiquer au sujet de ces nouveautés sans noyer les gens sous cette grande masse. Il faut que nous apprenions à parfois nous poser. Ceci nous a poussé à développer de nouvelles manières de communiquer, comme ce que nous faisons aujourd’hui ici à Shanghai et que nous allons bientôt reproduire à Barcelone puis Milan. Nous avons également lancé notre système de personnalisation « Swatch by you » : vous choisissez à quoi vous voulez que votre montre ressemble, puis vous la recevez sous 48 heures. Un concept que nous avons lancé à l’aéroport de Zürich. Ce sont beaucoup de choses différentes à la fois, mais cette versatilité fait partie de qui nous sommes.
Toutes les marques se posent la question de comment communiquer aux jeunes entre 16 et 18 ans. Une montre Swatch constitue souvent le premier achat horloger à cet âge. Comment entendez-vous leur parler?
Il s’agit là du plus grand challenge du moment! Par seulement pour nous, mais pour tous. Réussir à comprendre puis à parler aux nouvelles générations. Pour nous, cela va de pair avec le fait de garder le contact avec nos clients historiques initiaux, ceux qui ont construit la marque avec nous, qui l’ont adoptée et la comprennent. Nous devons savoir parler aux deux! Comment susciter ce même intérêt chez les plus jeunes? Nous avons pour ce faire deux arguments qui je pense s’avèrent positifs. Le premier est que cette génération est de plus en plus sensible à l’origine, à l’authenticité des choses. Partant de ce constat à nous de remettre le Swiss Made au premier plan, de le rendre un peu plus sexy. Comme ils ne sont pas forcément familiers avec l’horlogerie, dire qu’il s’agit d’une montre suisse ne signifie pas forcément quelque chose pour eux. Il faut se reconnecter avec l’intelligence de cet héritage. Il m’arrive parfois d’enseigner. Là, expliquer pourquoi l’horlogerie a pu se développer en Suisse, qu’en hiver les paysans ne pouvant pas aller aux champs s’y sont consacrés, soudain, cela revêt un sens. Et là vous capturez leur attention. Le second est de souligner le fait que Swatch est, et a toujours été, beaucoup plus qu’une simple montre. Le fait qu’elle donne l’heure est devenu secondaire. Nous pouvons voir l’heure affichée partout, y compris sur notre smartphone et notre ordinateur. Le point principal réside dans le fait qu’il s’agit d’un objet qui reflète votre personnalité. Il s’agit là pour mes équipes et moi d’un sacré défi: transmettre le message que Swatch a transformé l’horlogerie pour faire passer la montre d’un objet utilitaire à un élément de style. Si vous vous replongez dans le passé, vous vous rendrez compte qu’à l’époque de notre lancement, l’horlogerie était un milieu très traditionnel. Swatch l’a bouleversé. Une changement qui s’est opéré du bas vers le haut du marché. Porter au poignet un objet capable de dire qui vous êtes. Et cela n’a rien à avoir avec l’état de votre compte en banque ou votre statut social, il s’agit de qui vous êtes et du message que vous souhaitez faire passer. Ce constat posé nous devons faire passer cette parole d’une manière différente. Aujourd’hui la communication a changé, elle est devenue instantanée. Il est maintenant très difficile pour les entreprises de trouver le bon équilibre entre trop communiquer et ne pas laisser le message faire son chemin, et ne pas assez communiquer et perdre le contact. La communication digitale est un art délicat.
Un pertinent questionnaire selon JSBG
Votre plus grand vice? L’opéra.
Qu’est-ce qui vous fait peur? La maladie.
Vivre au 21ème siècle, plus facile ou plus difficile qu’avant? Plus difficile.
Facebook ou Twitter? Facebook.
Quelle est la chose la plus précieuse que vos parents vous aient léguée? L’honnêteté.
Quelle serait la bande-son de votre vie? Un air de Verdi!
Où vous voyez-vous dans 10 ans? Faire du bateau à voile sur le lac de Zürich.
***
Merci Carlo! Et souris, Mickey, c’est ton anniversaire!