Je vous retrouve avec le sixième titre en lice pour le prix du « Meilleur polar 2018 » des Editions Le Cercle – Point (pour retrouver mon avis sur les précédents ouvrages sélectionnés c’est ici).
D’abord un peu septique en lisant la quatrième de couverture, j’ai finalement eu une bonne surprise avec ce roman et « Hôtel du grand cerf » fait, pour le moment, parti de mes favoris avec « Evanouies »
Le livre : « Hôtel du grand cerf »
Crédit photo : Cosmic Sam
L’auteur : Franz Bartelt est un poète, nouvelliste, dramaturge et feuilletoniste français. Il commence à écrire à l’âge de treize ans, mais c’est à partir de 1980 qu’il se consacre pleinement à l’écriture. Pendant cinq ans, il rédige deux volumes par an sans se soucier de se faire publier. À partir de 1995, il connaît la consécration avec la publication de ses romans, tous applaudis par la critique et certains sélectionnés pour les prix littéraires, « Les Fiancés du paradis », « La Chasse au grand singe », « Le Costume », « Les Bottes rouges », « Le Grand Bercail », « Le Bar des habitudes ».
Le résumé : « À Reugny, petit village au cœur des Ardennes, plane depuis cinquante ans le secret de la mort de Rosa Gulingen. La star mondiale de cinéma avait été découverte noyée dans la baignoire de sa chambre à l’Hôtel du Grand Cerf, qui accueillait l’équipe de son prochain film ; du bout des lèvres la police avait conclu à une mort accidentelle. Quand Nicolas Tèque, journaliste parisien désœuvré, décide de remonter le temps pour faire la lumière sur cette affaire, c’est bien logiquement à l’Hôtel du Grand Cerf qu’il pose ses valises. Mais à Reugny, la Faucheuse a repris du service, et dans le registre grandiose : le douanier du coin, haï de tous, est retrouvé somptueusement décapité. Puis tout s’enchaîne très vite : une jeune fille disparaît ; un autre homme est assassiné. N’en jetons plus : l’inspecteur Vertigo Kulbertus, qui s’est fait de l’obésité une spécialité, est dépêché sur place pour remettre de l’ordre dans ce chaos. »
Mon avis : Avec ce roman, on se plonge dans une comédie policière sarcastique et prenante à l’ancienne qui m’a fait penser aux enquêtes de Columbo, de Grantchester ou encore d’Agatha Raisin (avec ce côté un peu « décalé »).
On y découvre le petit village de Reugny qui va s’avérer bien moins tranquille qu’il n’y paraît. Ainsi, si au premier abord, presque tous les habitants paraissent ordinaires, ils vont se révéler garder plus d’un cadavre dans leurs placards.
On suit deux enquêtes parallèles qui vont finir par se rejoindre : celle relative à la mort mystérieuse d’une vedette de cinéma quarante ans plus tôt ; et celle relative aux meurtres de plusieurs personnes qui semblaient en savoir un peu trop…
Deux enquêteurs sont sur le coup : Nicolas Tèque, un journaliste plus motivé par la belle conductrice de taxi que par son investigation et l’ogresque commissaire Kulbertus. Alors que tout les oppose, les deux hommes vont finir par se rapprocher (autour de nombreux bocks de bière) et collaborer pour faire avancer leurs enquêtes respectives.
Les personnages sont drapés de second degré et d’une pointe risible de caricature. Les rebondissements s’enchaînent assez rapidement à la façon d’un Vaudeville.
Le commissaire Kulbertus est un personnage ambivalent : vulgaire et dégoûtant, il se replet dans son obésité morbide. Cependant, on lit entre les lignes que ce surpoids est une façon de se protéger des autres et des déceptions personnelles et professionnelles qu’il a rencontré. Derrière ses méthodes contestables, sa nonchalance et un simulacre d’incompétence, se cache un policier perspicace et assez clairvoyant en ce qui concerne les relations humaines. Il s’avère même assez attachant à sa manière. En tout cas, sans lui le roman aurait une toute autre saveur.
« Ma méthode, avait expliqué le policier, c’est de ne pas avoir de méthode. Ce que je veux, c’est mettre ce village sens-dessus dessous. Que personne n’y comprenne plus rien. Qu’on ne sache plus qui cherche qui, qui a tué, qui n’a pas tué. Je mets tout le monde dans le même sac. Je crée la panique. J’installe la folie dans le pays. En trois jours, j’ai réussi à semer la pagaille dans les esprits. Ils me prennent pour un dingue. Mais quelque chose en eux les somme de se méfier de moi. Je devine qu’ils essaient de me rouler, mais je leur rends coup pour coup, je me venge, je leur fait payer leur peu d’empressement à faire éclater la vérité. Parce qu’ils savent qui a tué Rousselet. Ils le savent. Et ils savent pourquoi. Alors je fiche un coup de pied dans la fourmilière, je piétine le bon sens, la logique, la politesse. J’abuse des pouvoirs qui me sont conférés. À la fin, il sortira bien une vérité de ce sac de noeuds. En tant que puriste, j’aurais préféré que cette vérité sorte du puits. La vérité qui sort du puits est moins sale que celle qui s’échappe d’un sac de noeuds. Mais à douze jours de la retraite, je n’ai pas le temps de fignoler. »
Franz Bartelt manie les bons mots et l’humour caustique (voire l’irrévérencieux), mais distille, par ailleurs, des touches de poésie et de tendresse de-ci de-là.
Je n’ai pas été soufflée par les révélations finales, mais ces dernières sont assez bien amenées. De toutes les manières, il ne s’agit, selon moi, pas vraiment d’un livre que l’on lit pour son suspense, mais davantage pour sa drôlerie, les interactions entre les personnages et la façon dont le commissaire Kulbertus déroule le fil rouge de cette intrigue.
En bref : Bonne surprise avec ce polar satirique qui met de bonne humeur et que je vais, très certainement, prêter autour de moi.
Alors, tentés par cette histoire mordante ?