Il y a longtemps que Thomas B. Reverdy "tournait" autour d'un des grands prix traditionnels d'automne. Il n'a plus à attendre: le Prix Interallié vient de choisir son roman L'hiver du mécontentement.
Shakespeare l’a écrit dans Richard III : « Voici
l’hiver de notre mécontentement », premiers mots du principal
protagoniste de la pièce et que prononce, en V.O., Candice dans la version de
la compagnie à laquelle elle appartient – que des filles ! L’hiver du mécontentement, citation à
peine détournée, est le titre du nouveau roman de Thomas B. Reverdy et l’appellation
donnée par le Sun à l’hiver
1978-1979, quand les grèves paralysaient la Grande-Bretagne.
Candice, dans les rues de Londres, n’est pas sur scène, et
ce n’est pas encore l’hiver. Elle roule à toute allure sur son vélo de coursier
et la description a tout d’un rêve que chacun aimerait faire. Elle est
souveraine, maîtrise les gestes et le parcours, traverse la ville comme un
décor construit dans le seul but de placer la cycliste dans la lumière d’un de
ces projecteurs que l’on nomme poursuite…
Sa légèreté doublée par son travail de comédienne contraste
avec la situation d’un pays qui a peur de tout, preuve de sa faiblesse : « L’Angleterre est une petite vieille
qui n’a plus la force de rien. L’Angleterre est sur le déclin. »
Heureusement (?), un personnage ne va pas tarder, dans la réalité et dans le
roman, à manifester son ambition – et l’ambition de redresser la nation, on y
vient.
Le théâtre est-il le miroir dans lequel s’observe la
société ? Richard, écarté du pouvoir, veut le conquérir à tout prix. La
salle où la compagnie répète est, un jour, réservée à la Royal Shakespeare
Company qui débarque avec deux femmes, « dont
une plus âgée, en tailleur très chic. » En saluant les filles qui
sortent pour aller dans un café, elle « a
dit en souriant qu’elle aussi, à sa manière, elle s’attaquait à Richard III. » Fille d’épicier, elle prend des
cours de diction avec les comédiens de « la Royal ». Elle est chef du
Parti conservateur, elle veut le pouvoir. Elle s’appelle Margaret Thatcher.
Jones, musicien, se désolera de voir le public, à la
première de Richard III, applaudir la
femme politique quand elle s’installera au balcon en compagnie de son
mari : « C’est toujours un peu
décevant de voir que les lettrés sont aussi grégaires que les autres. Qu’ils
ont, autant que les autres, peur du pouvoir à ce point. » Mais Jones
est un inadapté : « Si vous
croyez en l’art, si vous savez lire, si vous aimez la musique, vous êtes foutu.
Plus rien ne vous fait peur ni ne vous impressionne. On ne vous la fait plus.
Et l’illusion s’effondre, comme dans un roman de science-fiction. Le rideau s’ouvre. »
Le goût du pouvoir est donc sur scène et son envers, dans la salle.
La peur du pouvoir passera bientôt dans la rue, sous la forme d’une lutte
inégale que Thomas B. Reverdy résume, vers la fin du roman, en un abécédaire
qui fournit le programme de Margaret Thatcher. A la dernière lettre, « Z comme Zero », le nombre d’emplois créés par la politique de la Première
ministre, une citation d’un de ses premiers discours après son entrée en
fonction : « Aujourd’hui, fini
de rêver. » Tout est dit.