"Waou ! Pfiuuuu... Purée !...
- Quoi ?
- Ce bouquin !..."
Voici en exclusivité la teneur de la riche et dense conversation que j'ai pu tenir juste après avoir refermé le livre de Gaël Faye. Les seules onomatopées que j'ai pu extraire de ma bouche, c'était déjà trop de mots pour cette œuvre. Parce que pour la décrire, il n'y en a pas. Jee vais tout de même tenter de faire un effort et de structurer mon ressenti, car sinon on ne va pas aller très loin, vous et moi.
"La musique est un cri qui vient de l'intérieur", disait un célèbre chanteur stéphanois. Les mots de Gaël Faye doivent venir de là aussi. Du plus profond, des tripes, du bide. Et en même temps du rêve, de quelque chose d'onirique et d'enfantin qui vient s'écrabouiller sur l'absurde tragédie de la guerre comme des papillons sur un pare-brise. Je structure, je structure... Nous sommes en 1992, à Bujumbura, la capitale du Burundi. Gaby a dix ans et vit avec son père, français, sa mère Rwandaise et sa petite sœur Ana. C'est le temps de l'enfance, de l'innocence, des mangues gorgées de sucre et de soleil, des escapades dans le quartier avec les copains et des petites bêtises sans grandes conséquences. Le narrateur, adulte, se souvient de cette période comme d'un âge d'or. Peut-être l'embellit-il d'ailleurs avec la distance. Le père de Gaby refuse que ses enfants entendent parler de politique. Les conflits d'intérêts et de pouvoir sont loin et c'est très bien ainsi. Certes, les domestiques sont noirs, les blancs installés là depuis l'époque de la colonisation maintiennent un ordre établi archaïque, mais on n'y prête plus attention. Il en a toujours été ainsi et, pour Gaby, chaque chose est à sa place. Petit à petit, pourtant, le malaise s'insinue dans la vie familiale, dans le pays, dans le quartier, dans la bande de copains et dans la tête de Gaby. Une réflexion raciste plus appuyée que d'habitude de la part de Jacques, l'ami belge des parents. Une réaction d'Yvonne, la mère de Gaby, qui pour une fois soutient le regard du colon. Le conflit qui lézarde la solidité du couple. Quelque chose d'irréparable qui s'installe. Au Rwanda, juste de l'autre côté de la frontière, les Hutus et les Tutsis s'affrontent encore. Ce n'est pas la première fois que la guerre civile éclate dans le pays et c'est la raison pour laquelle la mère de Gaby ainsi que le reste de sa famille vit en exil au Burundi. Seulement, le cœur d'Yvonne est là-bas, sur sa terre de naissance. Et elle en tremble de peur. La rupture entre les parents est consommée. Yvonne quitte le foyer et laisse les enfants avec leur père. La réalité commence à prendre corps dans la vie de Gaby.