Je ne vous ai pas parlé du centenaire de l'armistice.
Je n'ai placé aucune ligne sur le décès de Bernard Landry.
J'ai fait de l'évitement volontaire.
Il y avait probablement un peu de ça. Mais la réelle raison du non engagement Québécois français, c'est aussi le règlement 17 en Ontario. Règlement qui souhaitait l'éradication complète de la langue française comme langue d'usage commune ou comme langue de communication. Dans les troupes, bien qu'en partie installées dans les bases militaires de Valcartier, on ne parlait que strictement en anglais. Pas question d'adapter quoi que ce soit aux francophones. Zaller défendre un pays qui vous traite comme un insecte?
Les Québécois prenaient alors la bonne décision en ne participant pas, ou presque pas, à la danse macabre. La plupart des Québécois qui y participeront seront même d'origine écossaise ou irlandaise.
On pense les relations Québec-Ontario hostiles avec un mini Donald Trump en poste en ce moment, mais en 1917, c'était pire. On ne s'aimait pas beaucoup non plus.
Quand la bataille de Vimy fait plus de 3000 morts et 7000 blessés canadiens, on fait appel à du renfort et le Québec refuse de s'intégrer aux anglos du Canada. Henri-Bourassa en tête, on propose même de s'allier aux Français de France si on veut se faire comprendre dans notre langue. Le gouvernement fini par céder et créé le 22ème bataillon d'infanterie, qui deviendra le Royal 22ème Régiment, la première unité de combat de langue française.
Vous voyez je vous parle quand même de la Première Grande Guerre. Une belle saloperie.
On vous en a beaucoup parlé le week-end dernier. On a dit jamais plus. Devant des oreilles et des têtes qui pensent Demain. Manu Macron a parlé des passions tristes. De la fragilité morale du nationalisme. Il a dit que la nationalisme est une trahison du patriotisme.
Romain Gary, homme de grandes vérités, disait: "Le patriotisme, c'est l'amour de siens, le nationalisme, c'est la haine des autres".
Donald était bien là mais n'écoutait pas. Il pensait à sa prochaine ronde de golf.
Bernard Landry, on l'a beaucoup dit, était un patriote. Il adorrrrrrrrrrrrrrrait les siens.
(J'ai roulé le "r" comme il le faisait si bien en parlant latin)
J'avoue avoir mal aimé Bernard Landry. Et je ne voulais pas vous le confesser.
Landry représente la seule et unique fois, depuis 1990, depuis l'âge où il était légal pour moi de voter, où je n'ai pas voté PQ. Il avait été Premier Ministre par interim quand Lucien Bouchard avait quitté son tître, mais quand est venu le temps de se faire voter Premier Ministre, j'avoue que je ne voulais pas de lui. En fait, pour dire vrai et être plus précis, je ne voulais pas de sa génération.
En 2003, j'avais 31 ans. Il m'envoyait aux urnes. J'en avais soupé d'être dirigé par des baby-boomers. Je n'avais même pas voté pour un parti qui pouvait vraiment prendre le pouvoir. J'avais voté pour le candidat du parti Marxiste-Léniniste. Sur le très simplet argument qu'il avait à peu près mon âge. Je donnais ainsi le pouvoir aux Rouges de Jean Charrogne.
Landry, je le trouvais ampoulé, émotif, colérique, orgueilleux. Je ne voulais pas ça comme chef. C'est ce qui le coulera l'orgueil. Impulsivement, il claquera la porte du parti, outré (émotif) du 76% d'appui reçu de ses troupes. Il dira ensuite qu'il a commis la pire erreur de sa vie. Je le trouvais condescendant. À l'image de bien des baby-boomers face à ma génération.
Les investissements dans les hippodromes étaient toutefois mal avisés.
Mais il est vrai qu'il avait le sens du verbe.
En parlant des journaux anglos qui ne lui trouvaient jamais de qualités, il disait:
"Si je marchais sur l'eau, ils trouveraient le moyen de dire que Landry ne sait pas nager!".
Il pouvait être fort amusant.
Et il pouvait pleurer en parlant d'injustice du passé. Comme ça, en vous parlant.
Émotif, intense.
Voyez, je vous ai confessé quand même.
À hauteur d'homme.
T'aurais haï qu'on t'appelle Bernie.
Bonne nuit, patriote mal aimé de ma part.
J't'aurai fait une belle saloperie.
On se revoit quelque part.
Tard.
Après deux jours de chapelle ardente, ses funérailles nationales ont lieux aujourd'hui.
Faudrait plutôt dire, ses funérailles patriotiques. Pour être logique.