AM par Alexandre Mazzia

Par Gourmets&co

Un feu d’artifice ou une cuisine d’artifices ?

Quelques jours après ce déjeuner à Marseille, Alexandre Mazzia était nommé Chef de l’Année, une des récompenses bizarres parmi d’autres du Guide G&M qui se dit maintenant « découvreur de talents ». On ne rit pas…
Peu importe d’ailleurs puisque le chef est cette année dans une mouvance de récompenses avec la deuxième étoile au Michelin qui pointe son nez pour le mois de janvier 2019. Soyons clair : malgré certaines réticences sur sa cuisine, ce ne serait pas le scandale de l’année.

Alexandre Mazzia travaille presque à l’ancienne ou tout au moins à la manière d’un passé récent. Pas de carte, pas de plats, silence et virginité du papier avec seulement les tarifs pour se lancer dans l’aventure avec l’homme et le suivre dans sa cuisine. Passionnant pour certains qui aiment encore s’en remettre pieds et poings liés à la volonté d’un chef, agaçant pour d’autres qui aiment manger et assouvir leurs envies du moment en choisissant dans les propositions d’une carte éclairée.

Suivant les prix des menus, les plats, majoritairement en petites portions, défilent, plus ou moins rapidement. Un festival de mini-plats improvisés par le chef en fonction de son humeur et de ses arrivages. On est pris au bout d’un moment par une sorte de vertige des saveurs qui s’entremêlent, se superposent, s’annulent les unes les autres. Le salé se mélange au sucré, l’amer se cogne au doucereux, les épices, très présentes, animent certaines assiettes atones. On découvre un plat qu’il est déjà parti. On aime une saveur, un goût, une alliance, qu’une nouvelle est déjà là. Ainsi de cette pureté incroyable, de cet équilibre des saveurs dans des Œufs de truite et de saumon sauvage marinés au saké, assorti d’un lait fumé exceptionnel. Ainsi, de cette Anguille fumée associée au chocolat, incroyable mais vrai… Ainsi, de l’Orange sanguine-orange bergamote.

Et toujours sa « classique » Biscotte végétale, d’une beauté à couper le souffle et d’un festival de saveurs. C’est aussi (surtout ?) ça, Alexandre Mazzia.

Autres exemples de (mini) plats : Denti mariné, betteraves/saké ; Moules/ maquereaux/ hareng/ coco/ betteraves/ jus vert ; Chénopode (épinard sauvage) en tempura/piment/œufs de brochet fumés ; Miso cochon/coquillesd’huîtres ; Verveine/figue/sarrasins soufflés/piment d’Espelette ; Framboise/harissa ; et ainsi de suite…

Depuis 2015, le chef est étoilé au Michelin. Il est né au Congo, puis fut un temps chargé de l’innovation chez le grand chef de Saint-Sébastien, Martin Berasategui. Il est un des phares de la gastronomie à Marseille. Un homme atypique, sérieux, travailleur et chercheur acharné, un vrai créatif qui explore dans tous les sens et tous les sens dans une cuisine qui ne ressemble à aucune autre, ou presque. Il y a du Pierre Gagnaire cependant, du Christophe Pelé (Le Clarence) aussi, de son mentor basque bien sûr, mais il y a surtout Alexandre Mazzia.

Un homme passionné, à la fois anxieux devant ses créations et serein grâce à son talent. Il va chercher des alliances étonnantes, improbables parfois, mais qui ne laissent jamais indifférents. Certaines ne laissent aucune trace, d’autres étonnent, marquent, par une puissance de goût en un mariage hors du commun dans un équilibre idéal.
Autre originalité, le chef a cessé de servir de la viande dans son restaurant. Pas par veganisme modeux, mais parce qu’il aime les produits de la mer, les épices, et les ingrédients japonais. La viande ne l’inspire plus, ne trouve plus sa place dans ses schémas de pensée. Dont acte.

On sort de table ébahi, ébloui, mais un peu ko. Qu’a t-on mangé au juste ? Comment s’en souvenir d’ailleurs ? Il manque un point d’ancrage dans cette mer agitée, un plat dans lequel on aimerait rester, pénétrer, vivre avec lui et ses goûts… Il ne viendra pas.

AM
9, rue François Rocca
13008 Marseille
Tél : 04 91 24 83 63
chef@alexandremazzia.com
www.alexandremazzia.com
Fermé dimanche & lundi
Et du 18 au 29 juillet, du 20 au 27 octobre, du 24 au 30 décembre.

Menu Déjeuner : 39 €
Menus : 92 € – 110 €