Par Jean-Claude KIEFER
(sélection RELATIO sur le DNA)
Oubliée, la répression au Tibet ? Oubliées, les atteintes aux droits de l'Homme en Chine ? Silence sur les étranges consignes données à nos athlètes, tant de la part du CIO que des autorités de Pékin ? Que les sportifs se contentent de courir ou de nager, que dans les interviews, ils ne parlent que de leur discipline... Quant aux dizaines de milliers de journalistes occidentaux présents, ils sont fermement priés de seulement rendre compte des JO et de ne pas aller s'éparpiller en enquêtant sur d'autres sujets.Et tout cela est avalisé sans broncher par l'Union européenne.
On ne se fâche pas avec la Chine, la manufacture du monde, le marché de tous les débouchés, le créancier des États-Unis... Pourtant, fin mars, les 27 réunis à Brdo en Slovénie avaient promis de « suivre avec beaucoup d'attention la situation des droits de l'Homme en Chine » sans toutefois arrêter une « position commune » sur la participation officielle aux cérémonies. Ils devaient se prononcer ultérieurement.
Désormais, il est trop tard. Les monarchies de l'UE ont déjà délégué leur souverain à Pékin. Et Nicolas Sarkozy est implicitement prié d'aller représenter l'Union, en tant que président en exercice, selon une proposition des groupes conservateurs et socialistes du Parlement européen. Pour « ne pas interrompre le dialogue entre l'UE et la Chine sur les droits de l'Homme », a dit un député allemand.
La formulation est pour le moins curieuse. Elle laisse entendre que des tractations sont en cours ( ?) et que les Européens admettent, sans le reconnaître officiellement, que la situation actuelle est satisfaisante. Suffisamment en tout cas pour ne pas boycotter la cérémonie d'ouverture. Car une telle mesure aurait pour conséquence de durcir encore l'attitude chinoise. Comme si les JO terminés, la Chine allait changer de politique ! En un mot ou en mille, l'Europe a capitulé au nom de la realpolitik. Ce n'est pas surprenant mais, pour en arriver là, le tintamarre officiel début mars, lors de la sanglante répression au Tibet, était vraiment inutile.
Les vainqueurs de ce bras de fer livré sans conviction sont bien les Chinois. Depuis longtemps, ils se doutent que l'« arme » des droits de l'Homme régulièrement brandie n'est qu'un « tigre de papier » comparé aux intérêts économiques. Désormais, ils en ont la confirmation. Leurs partenaires européens ont définitivement perdu la face.
Pas seulement en Chine. Au Zimbabwe misérable et saigné par son dictateur, les Européens ne sont pas plus crédibles.
Jean-Claude KIEFER
DNA - Édition du Mer 9 juil. 2008
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