Parce que la Wallonie est une région à découvrir, et j'aurai l'occasion d'en reparler très prochainement parce que la programmation culturelle y est très riche.
Parce que le Musée des Beaux-Arts présente la première rétrospective belge consacrée à l’artiste Niki de Saint Phalle (1930 – 2002) en illustrant, de manière exemplaire, les multiples façons dont l’artiste a concrétisé, en 50 ans de carrière, son désir de devenir l'égale des hommes.
C'est la revendication "Les nanas au pouvoir" qui est affirmée à l'entrée de la salle du musée. Des nanas que l'on voit s'animer dans le jardin du Mayeur. Une autre, énorme et majestueuse est visible de la terrasse.
Rarement dans une telle manifestation, pour ne pas dire jamais, on aura aussi bien relevé le défi de cette artiste qui affirmait volontiers "Ici, tout est possible", citation pour qualifier à l’origine son parc de sculptures monumentales, Le jardin des Tarots, dont il est fortement question dans l'exposition, cet qui marque l'évolution de Niki dans les années 60-70.
L'espace public est réellement et intelligemment investi. C'est pourquoi Mons mérite amplement qu'on prenne le train pour y passer quelques jours.
Nous irons admirer 4 totems plantés dans le Parc du Beffroi. Nous reviendrons dans le jardin du BAM après avoir descendu à travers la vieille ville en passant par le jardin du Mayeur et nous terminerons à Paris où la Fontaine Stravinsky offre un très bel échantillon représentatif de son travail de sculpteur, accompli avec son mari Jean Tinguely.
Mais commençons par le musée qui est résolument contemporain et qui réussit à concilier la rigueur muséale à l'esthétique.
Ses toutes premières peintures sont très colorées et proposent des paysages fantastiques très différents. On remarque une mosaïque qui date de 1954, et qui fait penser aux Trois grâces. On remarque qu'au fil du temps l'artiste n'a eu de cesse de repousser les limites.
Elle a découvert très tôt que les hommes avaient davantage de liberté que les femmes et s'est acharnées à réclamer l'égalité. Les tirs ont été une manière d'exprimer sa colère.
Elle a progressivement caricaturé l'image féminine que l'on s'attendait alors à voir en tant que mère ou une épouse. Ainsi sont nées ses nanas qui enfantent dans la joie.
La première a été inaugurée en 1966 et le titre de l'oeuvre "Hon" signifie "Elle" en suédois. Cette oeuvre monumentale amène Niki de Saint Phalle sur la scène féministe. Elle a rencontré un tel succès qu'on raconte que c'est elle qui a provoqué une hausse de la natalité l'année suivante dans ce pays. On l'a ensuite invitée un peu partout à créer des aires de jeux pour enfants.
Niki a également fait des pièces de théâtre, ce qui était pour elle une autre manière de travailler en dehors d'une galerie. sans être autobiographiques elles font malgré tout référence à des éléments personnels. Elle a aussi réalisé des films dont on peut voir ici des extraits et qui révèle combien elle pouvait être torturée.
Il n'est pas question de parler ici des 140 oeuvres exposées sur les deux étages mais de pointer quelques-unes, et surtout de vous convaincre de vous rendre sur place.
Les premiers assemblages et les tableaux des années 50 :
Les tirs du début des années 1960
On peut faire l’expérience des tirs de Niki de Saint Phalle à travers une installation interactive présentée au sein de l’exposition. Elle en avait eu l'idée en voulant témoigner d cela manière dont certaines personnes peuvent être blessées par les aléas de la vie : Pour moi, la peinture devenait une personne avec des sentiments et des sensations. (…) Je parlai à Jean Tinguely de ma vision et de mon désir de faire saigner une peinture en lui tirant dessus. (...) je fis des essais en mélangeant toutes sortes d’objets aux couleurs. J’inaugurai l’usage de la peinture en bombes qui, frappées par une balle, produisaient des effets extraordinaires.
Les sculptures de mariées du milieu des années 60
Les nanas
Gwendolyn, 1966/1990, polyester peint sur armature métallique
L'idée du Jardin des tarots lui est venue en 1955 après sa visite du Parc Güell édifié par Antonio Gaudi entre 1900 et 1914 à Barcelone. La taille et la beauté de cet espace public l'ont à la fois fascinée et inspirée. Tout se concentre alors sur la narration des rêves. Il faut se replacer au début des années soixante. Son travail était alors si innovant qu'il pouvait choquer et être controversé mais sa manière d'occuper l'espace s'avère un manifeste extrêmement féministe.
Il est ouvert du 1er avril au 15 octobre et rencontre toujours un succès énorme. Jusqu'à 1500 visiteurs peuvent s'y presser en une journée, ce qui n'est pas sans poser des problèmes d'entretien. S'il est restauré à chaque fois que nécessaire il n'a cependant jamais été terminé, pour respecter le voeu de Niki que tout s'arrête le jour de sa mort. Sa petite fille, qui est gardienne des lieux et garante d cela continuité de l'oeuvre conseille d'y aller plusieurs heures, et surtout d'apprécier les ombres à la nuit tombante car celles-ci font partie intégrante du projet de sa grand-mère.
Les Skinnies et œuvres tardives
Inspirée par l'air frais des montagnes de Suisse où elle se repose au cours des années 70, d'une grave infection pulmonaire Niki de Saint Phalle produit une série de dessins-sculptures volumétriques. Ce sont des versions transparentes, épurées, presque squelettiques de ses sculptures plus plantureuses. Elles sont peintes elles aussi de couleurs vives, et souvent décorées d'ampoules électriques colorées. On voit ci-dessous, à droite de la Femme bleue (1984) Un nouvel homme arrive (1980) avec le visage d'un monstre au centre de son corps.
Elle s'inspire de plusieurs figures mythologiques pour La Trilogie des Obélisques (1987) qui est un hommage aux obélisques de l'Egypte ancienne. Elles sont peintes de couleurs vives et comportent des symboles de serpents et de crânes.
Dans la ville
Montons maintenant au Parc du Beffroi où sont dressés quatre totems, datant de la fin de la vie de l'artiste. On y voit de toute évidence une évocation du jardin enchanté du Cercle magique de la reine Califia, d’environ 50 mètres de diamètre, que Niki a conçu dans la ville d’Escondido, un peu au nord de San Diego où elle s'est installée en 1994, pour raison de santé. Elle souffrait de polyarthrite rhumatoïde. Malheureusement elle mourra en 2002 avant son achèvement un an plus tard.