La Grande guerre, dont on commémore le centenaire de la fin en ce mois de novembre, fut si meurtrière qu’on lui attribue souvent le qualificatif de « boucherie ». Pour les combattants, elle offrit à la fois un enfer et une aventure humaine dont de nombreux écrivains rendirent compte, tels Maurice Genevoix (Sous Verdun, 1916), Henri Barbusse (Le Feu, 1916), Henry Malherbe (La Flamme au poing, 1917), Ernst Jünger (Orages d’acier, 1920) ou Roland Dorgelès (Les Croix de bois, 1919). On les relira avec intérêt. Mais auparavant, parmi les livres publiés cette année, 14 18 comme si vous y étiez (Franceinfo-Larousse, 288 pages, 25 €) de Thomas Snégaroff pourrait fournir une belle introduction à ces romans, dans la mesure où cet album, abondamment illustré, très documenté, situe le conflit dans son contexte politico-historique sans pour autant oublier de traduire le terrible quotidien des soldats envoyés sur les théâtres d’opération et la situation difficile de la population civile restée à l’arrière.
Les grands événements, comme l’assassinat de l’archiduc d’Autriche à Sarajevo, celui de Jaurès, la mobilisation des taxis de la Marne, le génocide arménien, la bataille de Verdun, la révolution russe de 1917, l’entrée en guerre des Etats-Unis, le rôle joué par Clemenceau, voisinent avec la vie dans les tranchées, l’utilisation des gaz, le théâtre aux armées, les mutineries sauvagement réprimées, le drame des gueules cassées. De même, sont évoqués le travail des femmes dans les usines d’armement, les villes détruites, le bombardement de Paris ou les restrictions alimentaires auxquelles le peuple des villes et, dans une moindre mesure, des campagnes, fut soumis. L’ensemble de ces aspects, et beaucoup d’autres, est traité avec rigueur, pédagogie ; la rubrique « L’Œil de l’historien », présente à chaque chapitre, en offre un remarquable exemple.
En appui du propos, on apprécie une belle documentation souvent inédite qui inclut photographies d’époque, extraits de presse, fac-simile, cartes des opérations. L’un des points forts de ce livre, outre qu’il immergera le lecteur dans une réalité qu’il n’imagine peut-être pas, loin des clichés, des images d’Epinal, est la constante relation entretenue entre les faits politiques, stratégiques, internationaux, et leurs conséquences prises dans une dimension nécessairement humaine.
Première guerre mécanique de l’Histoire, avec l’intervention du char d’assaut et de l’aviation, la Grande guerre, si elle déchira le monde et mit en place les conditions de la suivante, notamment par le Traité de Versailles, marqua aussi la véritable entrée dans le XXe siècle, le temps chronologique et le temps historique coïncidant rarement. Sur ses décombres, naquirent l’art abstrait, Dada, le Surréalisme, mais aussi une libération des femmes – ne serait-ce que dans le vêtement et une nouvelle cartographie de l’Europe. C’est donc l’agonie du XIXe siècle et la naissance, non sans douleurs, du siècle suivant, que ce livre raconte.