Magazine Culture
Le Prix Virilo ne ressemble à aucun autre, même s’il est né comme beaucoup en réaction contre les institutions des prix littéraires qu’il imite un peu, mais dans le genre décalé. D’abord, le jury est moustachu à l’unanimité, même les femmes, et annonce ses lauréat(e)s le même jour que le Femina, dans le jury duquel il ne se trouve aucun homme. Ensuite, les juré.e.s ne se font pas envoyer par les éditeurs les ouvrages qu’iels lisent mais les achètent en toute liberté. Enfin et surtout, le caractère potache des attendus justifiant les récompenses annexes n’empêche pas l’analyse sérieuse des désirs polymorphes exprimés avec plus ou moins d’habileté dans les textes de la rentrée. Côté tout à fait légitime, Gauz est le lauréat justifié du Virilo 2018 pour son excellent Camarade Papa qui revisite avec un humour acéré l’esprit colonial et les failles qu’il a créées. Entre l’époque où la France prenait possession de la Côte-d’Ivoire et celle où le fils de Camarade Papa, marxiste pur et dur, découvre la terre de ses origines, les liens sont serrés. Ils se traduisent dans une langue rebelle – et belle à sa manière. Pour mémoire, on notera que le jury ne s’est pas contenté de saluer ironiquement par le Prix Trop Virilo la giclure excessive de testostérone introduite par Jean Mattern dans le pantalon du héros de son dernier roman (Le bleu du lac) – une double éjaculation lors d’un concert de musique classique. Il a aussi noté, façon Gérards de la télé, et arguments à l’appui, quelques débordements du côté de Jérémy Fel, Christine Angot ou Adrien Bosc. Six accessits vont à autant d’auteurs (ainsi qu’à l’ensemble de la rentrée littéraire) sous l’intitulé : « La gloire de mon père, le château de ma mère, les lauriers de mon frère, les secrets de ma cousine et les talents de ma belle-sœur ». Le genre fleurit : le « récit pas forcément documenté ni intéressant sur un membre de sa famille ». Ce n’est pas parce qu’on lit sérieusement qu’on ne s’amuse pas !