Jérôme Paulus est un chef d’aujourd’hui qui a de beaux lendemains
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Situé dans la banlieue résidentielle de Nancy, sur la colline de Villers-lès-Nancy qui domine la ville et se trouve aux portes d’un bois très prisé par les nancéens, le Clos Jeannon existe depuis sept ans environ. La maison d’hôtes de style actuel est entourée d’un agréable jardin entouré d’arbres qui lui donne un petit air champêtre et permet à la terrasse de devenir, aux beaux jours, une destination très prisée grâce à sa verdure et à son calme.
La salle de restaurant profite également de ce décor avec ses grandes baies vitrées qui s’ouvrent sur l’extérieur. Le décor, inspiré du style moderne années 1960, est composé de tables en bois poli et de sets de table, avec une vaisselle jouant sur les couleurs noires et blanches, rondes, carrées et rectangulaires, ce qui donne parfois un petit air désuet pour les deux dernières formes. Une salle aérée, agréable, un peu bruyante quand elle est pleine à cause d’une résonnance intempestive, problème qui devrait être résolu dans peu de temps.
Le propriétaire, Jean-François Hennequin, est un ancien grand négociant en vins, passionné d’hôtellerie et de restauration. Il a décidé de franchir le pas il y a sept ans en rachetant cette affaire qui périclitait doucement. Il s’occupe de la composition de la carte des vins dont les deux axes sont la variété des appellations et des prix serrés même pour certains grands noms de vignerons. Il a la bonne idée de présenter les vins par ordre croissant de prix, dans les rouges comme dans les blancs, dans les rosés comme dans les moelleux et les champagnes, sachant que le prix demeure le principal critère de choix pour le client. Ces prix vont de 22 € à 220 € pour les blancs, et de 22 € à 320 € pour les rouges. Rosés de 22 € à 34 €. Moelleux de 28 € à 350 € (Sauternes).
Une carte des vins qui comprend la grande majorité des appellations, et quelques bouteilles « régionales » dont un recommandable Pinot noir de Moselle. Petite sélection, mais variée, de vins au verre de 5 € à 8 € (4 blancs, 3 rouges, 2 rosés). Moelleux et coupe de champagne à 10 €. Une politique de prix qui permet aux clients de se faire plaisir et de trouver un vin qui conviendra à leurs goûts et à leur budget.
Le chef, Jérôme Paulus, est arrivé il y a environ deux ans. Un passionné de cuisine depuis son plus jeune âge où il trainait dans les tabliers de cuisine de sa mère et de sa grand-mère, dans un petit village proche de Nancy. Cet enfant du pays a voulu y retourner après quelques périples lors de sa formation et à l’occasion de ses premiers engagements. Après avoir démarré à Metz au restaurant étoilé Le Pampre d’Or, il part à Londres où il va rester presque dix ans avec, entre autres, un long passage au Dorchester et son restaurant trois étoiles Michelin, et au Bulgary, ces deux maisons chapeautées à l’époque par Alain Ducasse et ses équipes. Une belle formation classique, à la mode Ducasse, que l’on retrouve bien présente aujourd’hui dans sa cuisine. Le Clos Jeannon est sa première place de chef qu’il assume avec passion et une volonté sans failles. Son but ultime, dit-il, est « de faire plaisir aux clients ». C’est le cas si l’on entend le nombre de félicitations qu’il reçoit au départ des clients.
Le chef a mis au point une carte variée, riche, originale, travaillée, et divisée en trois menus et la carte où l’on retrouve pratiquement les mêmes plats. Les menus sont divisés en trois parties : Simplement (les entrées), Sérieusement (les plats), et Subtilement (les desserts). Un gimmick amusant mais sans signifiance particulière.
Sur table, trois pains différents conçus en collaboration avec le boulanger Georges à Nancy, l’étoile montante de la boulangerie dans la ville. Pavot, graines, traditionnel. Tous très réussis et servis tiède. Amuse-bouche : Velouté de châtaignes, croutons, copeaux de châtaignes. Texture assez épaisse, automnal, et savoureux.
Pot au feu servi froid, condiment betteraves rouges, Fontainebleau au Raifort.
Le bœuf est découpé en tranches fines, gelée de bouillon, câpres, poireaux, navets, carottes, branche de cèleri, os à moelle chaud. Un vrai pot au feu savoureux, pour une entrée très copieuse à la carte, bien construite et bien présentée. Belle acidité de la betterave en contrepoint mais un Fontainebleau en manque de raifort pour un décalage supplémentaire. Du coup, une légère et discrète fadeur se fait jour….
Saint-Pierre juste rôti, déclinaison de courgettes aux saveurs citronnées, crumble à l’encre de seiche.
Présentation éclatée en assiette carrée. Beau et appétissant. Cuisson bien maitrisée qui garde la fermeté du poisson. Courgettes de deux couleurs en fines lamelles citronnées mais le poisson aussi est citronné, ce qui donne une présence un peu envahissante du citron. Mieux vaut ne pas citronner un poisson ce qui va en altérer le goût. Crumble noir, dès de tomates rouges, petits pignons pour le croquant, un festival de couleurs dans l’assiette, pour un plat riche, généreux à nouveau, bien travaillé, et finalement réussi.
Le Cochon en trois variations : mignon, poitrine, et boudin noir. Cocos de Paimpol et tomates chatterino (une des nombreuses variétés de tomates).
Superbe plat, même si la présentation en vertical du cochon est un peu désuète. Cuisson impeccable des différentes parties du cochon, boudin noir exceptionnel fait par le chef, délicieux cocos à peine al dente mais aussi en purée (excellente), jus de cuisson et mousse légèrement relevée au piment d’Espelette. Une belle réussite pour un plat réconfortant et copieux. Fin et rustique à la fois.
Figues fraiches à la cannelle et au miel, baba au rhum ambré et alcool de figue.
Une merveille de dessert. Les figues, bien de saison, déjà bien mures, sont très rapidement poêlées dans une noisette de beurre pour les rendre plus moelleuses, du miel et à peine de cannelle pour ne pas altérer la saveur du fruit. Le baba plat, à la pâte magnifique de texture, est parfumée à l’alcool de figue et rhum ambré mélangé. Un mariage délicieux et délicat. Un ensemble bien construit à l’équilibre des saveurs parfait.
Jérôme Paulus, en collaboration étroite avec Jean-François Hennequin, travaille une carte courte, intense, originale, et bien orchestrée. Il joue sur une variété de produits, de mets, et d’alliances qui donnent une envie irrésistible de goûter à tout.
Il pratique avec exigence un respect des saisons qui donne des évolutions régulières dans la carte en fonction des nouveaux produits. Changement complet tous les deux mois environ, les trois menus sont renouvelés chaque mois, et le menu du marché chaque semaine.
Grâce à son expérience des grands étoilés, le chef travaille ses plats avec précision et un joli sens de la mise en scène dans les assiettes. Richesse, générosité, et sens de l’esthétique. Sa cuisine est à la fois sophistiquée mais d’une belle lisibilité. Il possède un sens précis des alliances et des constructions dans lesquelles les saveurs sont bien marquées. Il a également un sens de l’équilibre des goûts dû à sa volonté de doser l’utilisation d’épices avec parcimonie. « Pour moi », dit-il, « je me sers des épices comme du poivre. Pas plus. »
Il propose une cuisine personnelle mais cependant très française grâce à son talent pour les cuissons précises, et les sauces, présentes sans être envahissantes.
Passionné par son métier, il ira sans doute en progressant encore, par exemple vers une légère sophistication de certains plats et vers une plus grande légèreté pour d’autres. Un chef d’aujourd’hui qui a de beaux lendemains.
2, rue Saint-Fiacre
54600 Villers-lès-Nancy
Tél : 03 83 40 30 30
www.leclosjeannon.eu
Salles privatisables
Fermé dimanche et lundi soir
Menu Marché de la semaine : 29 € (3 plats). Change toutes les semaines.
Menu Saveurs de Saison : 33 € (3 plats).
Menu Préférences Gourmandes : 45 € (3 plats).
Carte : 50 €, environ